Martin Sharp, un graphiste « sydneydélique »

03 décembre 2013  |   1 Commentaires   |    |  

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La disparition du graphiste australien Martin Sharp (1942-2013), nous invite à continuer notre série d'articles sur les grands noms du design graphique. Voici donc le portrait d'un designer graphique sous LSD...

Sydneydélique

Né 1942, Martin Sharp vient d'une famille bourgeoise d'industriels, de médecins, de politiciens et d'amateurs d'art. Pendant la majeure partie de sa vie, il a vit et travail à Syndey, dans une grande maison des années 1920 qu'il a héritée de ses grands-parents alors qu'il avait la vingtaine. Sa mère, Jo Sharp, lui a transmis la passion du collage, tandis que sa grand-mère lui fait découvrir la bande dessinée comme "Boofhead", dessinée par Robert Bruce Clark. Bref, il grandit dans un environnement propice à l'expression artistique et à la conscience politique.

Il étudiera à la National Art School de Sydney. Là, il lance un fanzine satirique, The Arty Wild Oat. Grâce à ce projet, il rencontre Richard Walsh, rédacteur en chef du journal Honi Soit sur le campus, et Richard Neville, qui a édité Tharunka de l'Université de la Nouvelle-Galles du Sud. Bref la mayonnaise prend entre les trois compères.

Quand certains voulaient faire la révolution avec leur voix ou leur guitare, Sharp s'armait de ses crayons et de ses pinceaux. On était au début des années 60, et Kennedy n'était pas encore un aéroport. C'est au cœur de ces années "Beatniks" que ce jeune graphiste-illustrateur australien créa le sulfureux magazine "Oz" avec ses deux compères. Leur talent se déploiera de 1963 à 1969 dans 41 numéros où ils se font un plaisir de passer au vitriol la société conservatrice.

Les articles abordaient sans tabous des thèmes comme les drogues, l'homosexualité, la brutalité policière, l'avortement, le racisme ou la guerre du Vietnam. Les trois collaborateurs seront même invités à faire un tour par la case prison, suite à la publication d'une couverture jugée obscène.

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1967, London OZ

Vers la fin des années 60, Sharp et Neville viendront s'installer à Londres. Une fois sur place, ils vont poursuivre avec une version londonienne d'OZ. C'est à cette période-là que Sharp se met au graphisme psychédélique. Le magazine est alors tiré à 100 000 exemplaires. OZ London devient le fer de lance du design graphique anglo-saxon. Le magazine fait l'objet du plus long procès d'obscénité de l'histoire britannique. Des peines de prison furent là encore prononcées, avant d'être annulées en appel. En revanche, le magazine ne s'en remit pas tout à fait, et le numéro de novembre 1973 fut le dernier.

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En parallèle de la maquette du magazine, Martin Sharp réalise de nombreuses pochettes de disques pour des artistes rock de cette époque. Il a par exemple conçu la pochette du fameux disque Disraeli Gears de Cream, le groupe d'Éric Clapton, dont il a même été le colocataire à Chelsea... Il réalise aussi de nombreux collages et peintures, tels ceux mettant en scène Bob Dylan ou Jimi Hendrix ou Mick Jagger dans des univers hallucinés, mêlant couleurs fluorescentes, trip sous acide et références vicelardes aux Beaux-Arts.

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Meilleure pochette 1969

Sa pochette pour l'album "Wheels of Fire" de Cream, sera élue meilleure pochette de l'année par le New York Art Directors Prize en 1969.

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Copier-Coller

Après un bref séjour en Australie, Sharp revient à Londres en 1972. Il poursuit ses recherches de collages en imaginant un ouvrage miniature, d'environ 8x8cm composé de 36 collages en couleurs découpées dans les pages des livres d'art, réunissant les travaux de Magritte et Van Gogh, Matisse et Magritte, Botticelli et Picasso dans des images poétiques.

"Je n'ai jamais hésité à découper les œuvres si j'avais une bonne idée. Pour moi, ces œuvres valaient le prix d'un livre. C'est ainsi que je pouvais mélanger un personnage de Gauguin dans un paysage de Van Gogh, et ainsi raconter une nouvelle histoire..."

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Après être rentré en Australie en 1973, l’artiste continue à dédier son art à la faveur du mouvement de contre-culture lié aux années 60. Inspiré par le rêve de Van Gogh de créer une commune d'artiste, il lance  The Yellow House, une résidence d'artiste alternatif. Avec l'approbation des propriétaires, la maison a été peinte en jaune et ses chambres ont été converties en espaces expérientiels surréalistes. Les artistes résidents venaient y créer de l'art, de la musique et surtout faire la fête. L'histoire dit que des membres de Pink Floyd seraient passés faire de beufs. Ce lieu fou sera finalement dissout en 1972. Dans les années 90, la Yellow House redeviendra un lieu dédié aux artistes.

Martin Sharp est décédé le dimanche 1er décembre 2013 dans sa demeure de Sydney à l’âge de 71 ans.

Que le flower power fleurisse sa tombe.

Sources : Les images et les textes de cet article sont présentés à but pédagogique.

D'autres grands noms du design graphique :
- JOSEF MÜLLER-BROCKMANN, « SWISS STYLE », 1914/1996
- FRANCO GRIGNANI, « GRAFICA CINETICA »,1914/1996
- ROLF RAPPAZ, « C’EST DE LA BÂLE », 1914/1996
- ROGER EXCOFFON, «COUP DE MISTRAL», 1910/1983
- ALEXANDER GIRARD, «THE COLOR-FOOL», 1907/1993
- EDWARD BAWDEN, «GREAT ILLUSTRATION FROM GREAT BRITAIN» 1903/1989


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