L'eau evian et la marque de couture Balmain ont lancé en avril dernier une collaboration pour "imaginer ensemble des innovations durables pour les générations futures" incarnée par une campagne commune Evian x Balmain. Elles présentent une bouteille d'eau gravée en édition limitée portée par Olivier Rousteing (DA de Balmain) et des danseurs dans des vêtements aux dégradés pastel. "Nous sommes ravis de lancer cette première collection de prêt-à-porter evian x Balmain, que tous les fans d'evian et de Balmain du monde entier pourront acheter en ligne et en boutique" note Dawid Borowiec, directeur mondial d'evian. Il faudra compter 590€ le t-shirt en coton bio et polyester recyclé, 250€ pour le bob et 2 890€ pour la veste.
Les collaborations entre marques ne sont pas nouvelles et evian avait déjà travaillé avec Virgil Abloh, Elie Saab, KENZO, Alexander Wang, Christian Lacroix, Chiara Ferragni, Iseey Miyake ou Iris Van Herpen pour la création de bouteilles evian collector au design unique ou de robes en PET recyclé. Cette dernière collaboration devrait permettre à evian et Balmain de mettre en avant leurs engagements futurs en matière d'écologie, avec notamment pour la première entreprise le développement d'une technologie permettant la création de bouteilles en plastique 100% recyclé d'ici 2025, et pour la seconde de "proposer une approche plus durable de la mode" avec une collection capsule evian x Balmain en coton biologique, polyester recyclé et emballages en cartons issus de forêts durablement gérées en édition limitée, ainsi qu'une robe haute-couture unique en fil PET issu de bouteilles d'evian recyclées, preuve que l'on peut faire du beau avec des déchets.
La campagne de communication et les vêtements utilisent un dégradé pastel de rose et bleu autour du blanc, trois couleurs hautement symboliques. Pures et innocentes par excellence, elles symbolisent à la fois la vie, le rêve, les glaciers, le paradis ou tout ce qui touche à la divinité, et enfin la virginité. Ce sont les couleurs que l'on retrouve dans les fresques et tableaux représentant les robes des anges ou de la Vierge Marie. Dans les sommets enneigés, à la blancheur immaculée, des danseurs exécutent une chorégraphie de groupe pour symboliser la force collective.
"Nous avons le pouvoir de façonner un monde meilleur"
Visuellement, le message est clair et porteur d'espoir : l'eau de source d'Evian est la transparence incarnée dans tous les sens du terme et s'engage avec Balmain à "aider les prochaines générations à vivre dans un monde meilleur, à créer un lieu plus sûr et prendre soin de notre planète" comme l'écrit Rousteing sur son compte instagram.
Là où d’autres eaux promettent juste d’améliorer votre transit, ou tout simplement d’étancher votre soif, evian se démarque de ses concurrents en jouant dans sa communication avec l’image du bébé et de l’enfance en insinuant que leur eau provient ni plus ni moins que la mythique source de Jouvence ! Ce positionnement est d’autant plus revendiqué et décliné depuis 1998 avec le succès planétaire du spot publicitaire créé par l’agence BETC Euro RSCG où 70 bébés exécutaient un ballet aquatique au son de la musique « Bye Bye baby » de Bay City Rollers dans une mise en scène inspirée des chorégraphies hollywoodiennes. La figure du bébé et de la retombée en enfance est depuis centrale dans l’image de la marque avec le slogan « Live Young ».
La fontaine de Jouvence est une source censée restaurer la jeunesse de quiconque boit ou se baigne dans ses eaux. Boire evian c’est donc se régénérer, comme si nous nous abreuvions directement à cette mythique fontaine, symbole d’immortalité dans les contes à travers le monde depuis des millénaires. Jeunisme et immortalité, en voilà des arguments qui résonnent avec les anxiétés de notre époque !
Le logo a été légèrement lifté (sur les vêtements et la bouteille recyclée, pas sur la bouteille de verre), annonçant sûrement le futur logo d'evian : la sortie du e devient horizontale et le blanc de ses deux contre-formes s'équilibre. Même chose pour celles du a qui perd le creux de sa goutte pour une version plus tendue. Il troque sa sortie courbée pour une droite, gagne en contraste à sa jonction répondant à la jonction du n qui fait jaillir sa jambe comme une source. Enfin, avec plus de blanc dans ses contre-formes l'approche global du bloc se resserre. Le nouveau dessin gagne ainsi en cohérence, gommant certaines anomalies de contraste et de style dût à un mix d'influences divers (un e à la sortie verticale plutôt humanistique à la Gill Sans, un v contrasté, un a très courbe avec une coupe horizontale, un n géométrique et sans contraste) pour harmoniser l'ensemble en une linéale grotesque légèrement contrastée et harmonieuse..
Un lifting subtil pour cette marque de la "pureté et la légèreté" au logo quasi inchangé et dont la source remonte à sa découverte en 1789, embouteillée depuis 1826. Depuis ses débuts en France dans les années 1950, l'eau en bouteille a toujours été commercialisée en tant que produit de santé plus que comme un produit de première nécessité : l'eau d'evian en bouteille (alors en verre) est un produit de niche vendu d'abord en pharmacie pour les biberons ou en tant qu'eau "de soin", comme complément alimentaire santé.
En 1978, le logo d'evian adopte la silhouette des Alpes, pour souligner sa provenance française sur le nouveau marché américain. Le a suggère une goutte, et le rouge rappelle la vie, le sang. À l'aube des années 2000, la marque se pare d'un ovale rose, un allusion au Lac Léman dont les sources sont proches et au cycle de l'eau, symbolisant l'envolée de la marque sur les marchés mondiaux. En 2019, les montagnes de la marque deviennent grises, annonçant un tournant plus durable. En 2023, evian se rapproche de sa typo originelle de 1973 en gardant ses montagnes bleues. Un retour à la source, un peu comme l'a fait Burberry, et la boucle est bouclée.
Balmain est aussi une maison au logo typo sans serif, qui a évolué vers la simplicité graphique en 2018. On parle de cette tendance dans notre article sur le minimalisme et également dans celui sur Burberry. Malgré ces belles promesses et cette durabilité apparente il semble tout de même qu'il y ait anguille sous eau de roche...
En prenant un peu recul pour sortir du filtre publicitaire et en remettant cette campagne dans le contexte actuel, qu'il soit écologique (impact de la pollution plastique) ou social (crise du pouvoir d'achat, creusement des inégalités et raréfaction de l'eau potable), on ne peut s'empêcher de croire au mieux à une blague, au pire à de la provocation déplacée, et surtout de penser que l'eau, ce bien commun censé être universel, est vraiment devenue une denrée de luxe. Cette campagne lancée pendant les manifestations contre la réforme des retraites fait l'effet de la fameuse phrase écrite par une "grande princesse" citée par Rousseau "ils n'ont pas de pain ? qu'ils mangent de la brioche !" illustrant le fossé entre les classes sociales. Car si les coûts de production et de mise en bouteille, de marketing et de distribution (c'est à dire tout ce qui tourne autour de la bouteille) rendent l'eau en bouteille 1762 fois plus chère que l'eau du robinet, la France demeure pourtant aujourd'hui l'un des 5 pays les plus consommateurs de bouteilles plastique (FranceTV) ! Une aberration économique et écologique.
Si l'eau d'Evian coule de source gratuitement à la fontaine Cachat d'Evian-les-bains pour les Evianais et les autres qui auraient le courage de faire quotidiennement l'aller-retour, "la source Cachat appartient à la Société des eaux minérales d’evian", qui en a privatisé la source. Car là où l'eau douce est disponible dans le monde, son accès est le plus souvent inaccessible aux particuliers qui n'ont ni les capacités pour l'extraire du sol, ni pour la rendre potable ou la transporter, sont interdits d'accès par les autorités, les zones de conflits, ou n'en connaissent tout simplement pas l'existence. L'eau douce représente seulement 2,8% de l'eau présente sur la surface de la Terre stockée dans les réservoirs naturels et aux 3/4 dans les glaces et neiges, mais 1% seulement de cette eau douce est accessible. Quand aux fleuves et aux rivières, elles sont le plus souvent polluées car plus de 80% des eaux usées par les activités intensives dans le monde sont rejetées dans l'environnement sans avoir été traitées, d'après l'ONU. L'organisation déclare pourtant que l'accès à l'eau potable est un "droit humain fondamental", même si encore aujourd'hui 60% de la population mondiale n'a pas accès à de l'eau assainie, l'eau insalubre étant l'une des premières causes de mortalité dans le monde, d'après l'OMS et l'UNICEF.
Proposer une bouteille d'eau signée par une marque de luxe ne serait-il pas doublement déplacé pour un public averti ? On avait déjà vu Balanciaga faire un scandale avec un sac poubelle en cuir à 1750€, un cabas aux couleurs d'IKEA ou des baskets usées pour environ le même montant. La limite entre création artistique et provocation pure est fine.
Mais en réponse aux préoccupations grandissantes sur la pollution plastique, le marché de l'eau a inventé les bouteilles "haut de gamme" avec un travail soigné sur le design de la bouteille ou le graphisme des étiquettes, et propose même des sommeliers pour conseiller les restaurateurs. L'eau est ainsi devenue une exclusivité marketing, un produit distingué avec des marques proposant parfois même une eau enrichie en minéraux, en oxygène, ou même de l'eau pure de glacier ou de pluie. Comme pour Balanciaga, il s'agit ici de transformer un besoin basique en produit de luxe, une approche que l'on nomme la luxification.
La Luxification consiste à adapter les principes du secteur du luxe à d'autres industries qui n'utilisent pas habituellement ces codes, comme la grande distribution, la restauration, l'alimentation, l'habitat, etc. Cette approche s'adresse aux marques qui ne sont pas considérées comme luxueuses mais qui font partie de la vie quotidienne des consommateurs. Evian rentrant parfaitement dans cette catégorie des marques grand public en quête de luxification. Par exemple, si vous êtes perdu dans le désert et avez soif, vous ne rêvez pas d'avoir un sac à la mode, mais plutôt d'une grande bouteille d'eau fraîche, pour laquelle vous seriez prêt à payer très cher.
Ce phénomène de luxification ne se limite pas à l'amélioration du packaging ou d'un design premium des produits. Son objectif principal est d'offrir une expérience client exceptionnelle, en élargissant le territoire de la marque tant dans le sens concret que figuré. La luxification vise à élargir la stratégie de marque en proposant des expériences plus riches pour les clients, au-delà de la simple possession d'un produit ou service de qualité supérieure. Les mécaniques marketing sont classiques : marketing de la rareté, désirabilité produit, esthétique publicitaire, rituel de marque, sense of place, etc, …
L'objectif est par exemple de métamorphoser un point de vente en un espace de vie (ex : Genius bar d'Apple), en créant un style de vie unique qui reflète la marque (ex: Maison du monde ouvrant un hôtel 4 étoiles), en transformant un produit standard en un produit iconique (ex : evian x Balmain), etc. En d'autres termes, l'objectif est de créer une expérience globale qui va au-delà de la simple transaction commerciale et qui permet de différencier la marque des autres acteurs du marché.
Dans notre société de surconsommation paroxysmique, le consommateur rejette la standardisation et cherche le "sur-mesure", le "moins mais mieux", préférant la qualité à la quantité. Ces néo-consommateurs sont sensibles au bon (hédonisme), au beau (style), au vrai (authenticité) et au bien (éthique/écologie). Evian et Balmain, à travers cette collaboration, nous offrent un exemple flagrant de luxification mal maitrisée, où tout semble "bon, beau, vrai et bien" en surface, mais où le vernis éthico-écologique et l'authenticité de la démarche se heurte au mur du greenwashing.
À la suite de la collaboration evian x Balmain de nombreux individus ont déjà crié au greenwashing, ce que reporte cette vidéo du Monde. D'une part parce que evian et Balmain utilisent le "compromis caché" et le "moindre des maux", deux des "7 pêchés du greenwashing" (selon Terra Choice) consistant pour le premier à ne parler que d'un seul aspect du produit sans prendre en compte toute sa chaîne de production jusqu'à son recyclage – c'est à dire de parler d'une bouteille d'eau plastique sans mentionner le bouchon ni le problème du recyclage – et pour le deuxième de détourner l'attention du consommateur en mettant en avant le prétendu caractère écologique du produit tout en taisant le véritable impact de celui-ci – c'est à dire de créer une nouvelle collection de mode et de vanter les mérites d'une bouteille plastique. Selon l’ADEME, le terme de greenwashing est utilisé pour "qualifier tout message publicitaire pouvant induire le public en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou d’un service ou sur la réalité de la démarche développement durable d’une organisation."
Ici, si "les engagements communs de Balmain et d'evian en matière de pratiques écologiques se retrouvent jusque dans les moindres détails, notamment les étiquettes et les autocollants de composition en polyester recyclé, les emballages en papier qui utilisent de la pâte provenant de forêts gérées durablement et certifiées FSC, ainsi que les cintres et les sacs en plastique recyclé" comme on peut le lire sur leur site, ce qui est appréciable mais devrait mériterait sûrement d'être la norme et non l'exception dans l'industrie textile (et que Balmain n'applique d'ailleurs pas à l'ensemble de ses collections...), la stratégie marketing d'une édition capsule limitée va bel et bien dans la direction opposée et ne semble pas être un acte engagé. La capsule crée chez les fans un désir de consommation rapide parce qu'à durée limitée dans le temps, en engageant un achat impulsif pour un produit non nécessaire, au lieu d'un acte raisonné et réellement engagé. Sans parler de la spéculation faite sur ce genre de collection, dont les produits sont revendus à prix d'or une fois les stocks épuisés.
Cela crée une véritable contradiction entre l'engagement écologique durable annoncé qui devrait entrainer une certaine forme de sobriété raisonnée, de durabilité et de préservation des ressources pour le bénéfice du plus grand nombre et des générations futures, et la stratégie publicitaire qui, elle, incite à un acte compulsif, individualiste et sans réflexions sur les conséquences de ces actes, pour satisfaire un désir illimité. Cette contradiction se pose d'ailleurs très souvent lorsque qu'écologie et consommation ou publicité s'associent, et, lorsque le consommateur n'est pas induit en erreur dans sa prise de décision, on peut se demander si finalement ce n'est pas un mal pour un bien ? Vouloir faire mieux, mais pas parfaitement, n'est-ce pas déjà plus encourageant que de ne rien faire du tout ? La collaboration avec la maison Iris Van Herpen en 2020 a elle aussi donné naissance à une robe haute-couture à base de bouteilles plastique recyclées qui avait pourtant fait beaucoup moins de vagues. Contrairement à Balmain, la maison hollandaise ne conçoit en effet que des robes uniques à base de matières innovantes inspirées par la nature et "soucieuses du développement durable", jamais de collections entières et encore moins de capsules.
La nouvelle bouteille d'evian est quant à elle une goutte d'eau qui se dilue dans un océan de plastique. D'ici 2025 evian s'engage pourtant à produire des bouteilles sans étiquettes et en plastique 100% recyclé (hors bouchon) contre 25% aujourd'hui environ, grâce à son partenariat avec Loop industry qui permet de recycler tous les plastiques PET fabriqués par cette technologie, en évitant la déperdition de qualité de la matière. C'est une révolution technologique réellement encourageante dans le monde des bouteilles plastique qui montre ce que l'industrie peut créer. En revanche, comme pour les concept cars, l'annonce fait sensation mais en pratique ce modèle niche n'est pas encore vendu au grand public, donc le problème de pollution demeure.
à gauche, les bouteilles en PET recyclé, à droite la nouvelle bouteille evian x Balmain en édition limitée
Coca-Cola, Sprite et Fanta ont déjà développé des bouteilles 50cl en plastique 100% recyclé (hors bouchon et étiquettes), mais cela ne suffit pas pour lutter contre la pollution plastique générée par les grandes marques. Le groupe Danone, propriétaire d'evian, est le 8ème pollueur plastique mondial. Le changement promis par evian pour commercialiser des bouteilles sans étiquette en 2025 ou 2030 semble loin et peu ambitieux face aux 1 million de bouteilles plastiques vendues chaque minute dans le monde. Pour qu'il y ait un véritable impact, il faudrait que ces marques changent ensemble et rapidement de packaging, au lieu de vanter individuellement leurs produits.
De son côté, l'industrie de la mode utilise à elle seule 4% des prélèvements d'eau potable pour l'agriculture du coton, qui pousse dans des zones en "stress hydrique". La solution serait-elle pour autant de tout arrêter ? Ne vaudrait-il pas mieux remonter et s'attaquer à la source du problème ? On parlait plus haut de stratégie de "moindre des maux" ; les marques proposant des produits recyclés ou recyclables vantent cette caractéristique comme une solution durable, mais qu'en est-il en réalité ?
Le recyclage est une solution incomplète pour la gestion des déchets car il est souvent coûteux, nécessite beaucoup d'énergie et les déchets sont souvent envoyés pour être brûlés à l'étranger1 où les pratiques de traitement sont rarement appropriées. Seulement 9% du plastique total dans le monde a été recyclé depuis sa création2. Il est difficile de trier les différents types de plastiques et leur qualité se dégrade au recyclage. Pour produire un produit recyclé, il faut également injecter de la matière première vierge. Ne serait-il donc pas plus utile pour les industriels et les consommateurs de faire des efforts pour réduire ensemble les déchets à la source, améliorer la conception design des produits avec moins de plastique, favoriser la réutilisation et adopter des modes de vie durables ?
Si l'eau en bouteille permet d'apporter cette première nécessité dans des pays plus pauvres ou en "stress hydrique"; en privatisant et en commercialisant ce bien commun, elle est loin d'être l'unique solution potable. Avant de ne reposer que sur les solutions technologiques du futur, on peut agir dès aujourd'hui avec des solutions existantes comme la consigne en bouteilles de verre, les packaging en aluminium qui, contrairement au plastique, est recyclable à l'infini et nécessite peu de matière brute, l'eau du robinet évidemment (pour les pays qui ont ce luxe) ou des solutions de filtrage et de désinfection pour les autres. Depuis 2022 les établissements publics en France ont d'ailleurs l'obligation d'installer des fontaines à eau gratuites reliées à l'eau courante et l'interdiction de vendre des bouteilles plastiques. Il existe aussi des fontaines à eau plate ou pétillante en ville et pour les plus méfiants ce site montre la Qualité de l'eau en France : aux gourdes, citoyens !
Evian a d'ailleurs bien compris que l'écologie était son plus gros argument marketing pour les années à venir, et a créé une gourde en verre et bambou en collaboration avec Virgil Abloh, ancien DA chez Louis Vuitton. Récemment mise aux couleurs de Balmain elle est vendue 50 euros à l'occasion de la collaboration avec evian. En ce qui concerne la mode, la vraie durabilité ne s'inscrit-elle pas plutôt non seulement dans le choix des matières, naturelles et respectueuses, mais aussi dans l'usage raisonné qu'en font les utilisateurs ?
Gourde en verre et bambou evian x Virgil Abloh
L'entreprise numéro 2 mondial de l'eau en bouteille est labellisée "neutre en carbone" c'est à dire qu'evian compense ses propres émissions CO2 par des bouteilles en plastique recyclable (disponibles dans deux ou trois points de vente de niche), des usines fonctionnant aux énergies renouvelables, en produisant des documentaires éducatifs et en plantant des arbres. Evian s'engage ainsi à "continuer sans relâche à chercher de nouveaux moyens révolutionnaires et durables de limiter nos déchets, promouvoir le recyclage et limiter notre impact environnemental." Concrètement, en Europe, les entreprises qui commercialisent des produits contenant du plastique ou des matières recyclables sont censées être responsables de leur fin de vie ; chose impossible à faire en pratique car les bouteilles ne sont plus en leur possession. Pour faire cela, ces marques financent des éco-organismes pour sensibiliser les citoyens, ce qui fait porter la responsabilité écologique aux usagers et non aux producteurs, alors que les deux ont un rôle commun à jouer.
En se dédouanant de ce problème de taille, l'entreprise (qui est loin d'être la seule) laisse le consommateur gérer la pollution qu'elle a engendrée : est-il possible alors de "rêver notre futur ensemble" dans ces conditions ?
Sources, pour aller plus loin :
- données et solutions sur l'industrie de la mode et la fast fashion : le Monde, "la mode est l'une des industries les plus polluantes au monde", wedressfair "pourquoi la mode est polluante", infographie qqf "cycle de l'eau, attention aux fuites"
- sur l'eau douce dans le monde et le marché des eaux en bouteille : infographie qqf "cycle de l'eau, attention aux fuites", jamais la même histoire "l'eau en bouteille"
- sur le recyclage et la pollution plastique : novethic, "100% de plastiques recyclés en 2025, un objectif irréaliste", the Guardian: "Plastic recycling myth, what really happens to your rubbish", national geographic "le plastique en 10 chiffres", infographie qqf sur la pollution plastique et sur le recyclage "fausse bonne idée"
- d'autres solutions : reporterre "le retour de la consigne", infographie sur notre usage de l'eau au quotidien, la carte des fontaines à eau en France et la carte des fontaines d'eau gazeuse à Paris
1 the Guardian: "Plastic recycling myth, what really happens to your rubbish"
2 "The New Plastics Economy: Rethinking the future of plastics"
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