{"id":70293,"date":"2021-09-22T18:16:24","date_gmt":"2021-09-22T16:16:24","guid":{"rendered":"https:\/\/www.grapheine.com\/graphic-design-en\/histoire-des-coquilles-correcteurs-orthographe"},"modified":"2021-09-22T18:16:24","modified_gmt":"2021-09-22T16:16:24","slug":"histoire-des-coquilles-correcteurs-orthographe","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.grapheine.com\/en\/graphic-design-en\/histoire-des-coquilles-correcteurs-orthographe","title":{"rendered":"Histoire des couilles des correcteurs d’orthographe"},"content":{"rendered":"

\"coquille<\/p>\n

L'histoire des couilles<\/del> coquilles d'imprimeurs, pardon, ne date pas d'hier. D\u00e9j\u00e0, avant m\u00eame que l'imprimerie existe, les erreurs -qui n'\u00e9taient pas encore des coquilles- \u00e9taient nombreuses<\/strong>. Il faut dire que recopier un livre \u00e9tait un travail long et rigoureux qui privil\u00e9giait la beaut\u00e9 des lettres aux fautes d'orthographe -qui n'en \u00e9taient pas encore- avant l'invention du dictionnaire. Alors comment sont n\u00e9es les coquilles, les fautes d'orthographe, et les correcteurs<\/strong> ?<\/p>\n

\"coquilles-imprimerie\"<\/a>
\nDes coquilles imprim\u00e9es -
<\/b> Locupletissimi rerum naturalium thesauri accurata descriptio<\/a>. Tome 3<\/span><\/p>\n

Copiste, une mission tr\u00e8s pieuse<\/h2>\n

Du temps des Grecs, une seule et m\u00eame personne se chargeait de l'ensemble de la cha\u00eene de production des livres. Elle \u00e9tait \u00e0 la fois copiste -bibliographus<\/em>, relieur -bibliopegus <\/em>et marchand des manuscrits -bibliopola<\/em><\/strong>. Chez les Romains, on les appelait librarii.\u00a0<\/em>Les copistes que l'on appelait antiquarii <\/em>\u00e9taient des \u00e9rudits qui d\u00e9chiffraient les anciennes \u00e9critures. D'autres \u00e9taient des esclaves instruits, r\u00e9mun\u00e9r\u00e9s par le g\u00eete et le couvert. On a tir\u00e9 de ces m\u00e9tiers les mots biblioth\u00e8que, librairie et antiquaire ainsi que leurs d\u00e9riv\u00e9s, vous l'auriez devin\u00e9.<\/p>\n

Les manuscrits sont alors des objets pr\u00e9cieux et extr\u00eamement chers. Pour aller plus vite et diminuer les co\u00fbts, certains s'organisent en troupes de correcteurs, relieurs, \u00e9crivains<\/strong> et peuvent ainsi publier un livre \u00e0 plus de 1000 exemplaires assez rapidement. Autour de l'an 40 avec la propagation du Christianisme, religion alors pers\u00e9cut\u00e9e, les copistes s'isolent et se cachent dans les catacombes. Ils recopient, non sans couilles1<\/sup>, la Bible, les \u00c9vangiles et autres lettres aux Ap\u00f4tres. Esclaves, lettr\u00e9s, religieuses, vierges et pers\u00e9cut\u00e9.es se passent le flambeau pour \u00e9crire ces \"chefs-d'\u0153uvres transmis par les \u00e2ges pr\u00e9c\u00e9dents<\/em>\" comme l'\u00e9crit E. Brossard.<\/p>\n

\"Evangelia-scriptorium-copiste-coquilles\"
\nUn copiste de l'Abbaye de Corbie, France - Evangelia, XIe si\u00e8cle<\/span><\/p>\n

On organise des scriptorium<\/em> dans les monast\u00e8res, dans lequel les copistes recopient pieusement les \u00e9critures, en \"silence\" m\u00eame si les textes \u00e9taient con\u00e7us en bin\u00f4me, lus \u00e0 voix haute et recopi\u00e9s \u00e0 la main par le copiste. \u00c0 force d'entrainement ils gravissent les \u00e9chelons et deviennent ma\u00eetres calligraphes<\/strong>, ornant lettres et titres des manuscrits de luxe<\/a> avec des enluminures et des miniatures. Les livres d'astronomie, d'alchimie, de math\u00e9matiques ou encore des Anciens sont minutieusement recopi\u00e9s de la main exclusive des moines et de quelques religieuses<\/strong> d\u00e8s le Ve si\u00e8cle et durant tout le Moyen-\u00c2ge. Dans leurs tours de pierre, ils sont \u00e0 l'abri de la Barbarie des temps et probablement de tout un tas d'autres choses. Ils excellent en technique et en rigueur. C'est seulement au XIIIe<\/sup> si\u00e8cle que les copistes ne sont plus exclusivement des religieux.<\/p>\n

Les artisans du livre, sauv\u00e9s par l'imprimerie<\/h3>\n

Formant une \u00e9lite et des corporations, les artisans du livre se regroupent plus tard en tant que membres et jur\u00e9s de la prestigieuse Universit\u00e9 de Paris<\/a><\/strong> cr\u00e9\u00e9e un si\u00e8cle plus t\u00f4t. Ils jouissent ainsi de privil\u00e8ges et sont acquitt\u00e9s de l'imp\u00f4t comme leurs successeurs, au m\u00eame titre que le clerg\u00e9. L'Universit\u00e9 fixe le gain per\u00e7u pour chaque livre vendu (comme quoi la loi du prix fixe<\/a> ne sort pas de nulle part) pour limiter la flamb\u00e9e des prix, et exige la relecture de toute \u0153uvre avant sa commercialisation. Elle se r\u00e9serve \u00e9galement le droit de censure... ou de b\u00fbcher<\/strong> (pour l'\u0153uvre; et d'emprisonnement pour l'auteur).<\/p>\n

Mais les copistes, eux, travaillent dans l'ombre. Souvent \u00e0 leur compte, ils n'ont pas le luxe de prendre leur temps pour recopier les livres<\/strong> comme les religieux avant eux. Il faut \u00e9crire vite, pour suivre la cadence. C'est ainsi qu'ils abusent all\u00e8grement des abr\u00e9viations et des ligatures<\/strong>, qui leur font gagner du temps. L'\u00e9criture onciale<\/a>, graphie manuscrite des textes latins par excellence, disparait peu \u00e0 peu (cf image ci-dessous). En contrepartie, les textes sont moins bien \u00e9crits, et deviennent de plus en plus illisibles...<\/p>\n

\"typographie-manuscrite-Onciale_latine\"<\/a><\/p>\n

Gutenberg et son imprimerie<\/strong> tombent \u00e0 point en 1457, pour \"mettre \u00e0 la port\u00e9e des ma\u00eetres et des \u00e9l\u00e8ves des textes corrects au lieu des copies d\u00e9fectueuses que livraient depuis des ann\u00e9es les copistes ignorants et n\u00e9gligents<\/em>\" comme l'\u00e9crit Jean Heynlin dit Jean de La Pierre, ancien prieur de la Sorbonne qui d\u00e9cide de faire venir des anciens \u00e9l\u00e8ves de Gutenberg pour installer un atelier d'imprimerie \u00e0 l'Universit\u00e9, \u00e0 Paris<\/strong>. Pour d\u00e9coder et imprimer les textes rendus illisibles par les ravages des copistes ou du temps, les imprimeurs font appel \u00e0 des linguistes et des philosophes. Ces lecteurs mettent au point le texte, les anciens copistes deviennent typographes et le correcteur signale les erreurs en tous genres : les fameuses coquilles, ces fautes et accidents typographiques<\/strong>.<\/p>\n

D'o\u00f9 vient l'expression coquilles<\/em> dans le monde de l'impression ?<\/h2>\n

Personne ne semble r\u00e9ellement savoir d'o\u00f9 vient l'expression coquilles<\/em><\/strong>, mais le terme appara\u00eet \u00e0 l'\u00e9crit d\u00e8s 1723, dans La Science pratique de l'imprimerie<\/i> de Fertel <\/sup>: \"c'est pourquoi \u017fi un Compo\u017fiteur ne \u017f\u00e7ait bien l'Ortographe, il e\u017ft \u017fujet \u00e0 faire quantit\u00e9 de coquilles.<\/em>\" L'histoire semble raccrocher le terme coquilles aux... saint-jacques<\/strong>.<\/p>\n

On nommait coquillards\u00a0<\/em>les mendiants qui dupaient les passants en se faisant passer pour des p\u00e8lerins de Saint Jacques de Compostelle et accrochaient de fausses coquilles \u00e0 leur cou. On utilisait aussi l'expression vendre ses coquilles<\/i> pour signifier \"tromper\", \"rouler\". Le mot coquille (corquille<\/em> au XIIe si\u00e8cle, ou m\u00eame cokille<\/em>) vient du grec konkh\u00ea <\/em>-la conque- et d\u00e9signait les \"choses de peu de valeur\"<\/strong> avant d'avoir le sens qu'on lui conna\u00eet aujourd'hui. Enfin, en faisant ledit p\u00e8lerinage de Compostelle on rachetait ses fautes... d'impression ?<\/p>\n

Les coquilles en dessous de la ceinture<\/h3>\n

La coquille Saint-Jacques \u00e9tait \u00e9galement l\u2019embl\u00e8me de nombreux imprimeurs.<\/strong> Les Lyonnais du XVe si\u00e8cle, loin de la censure de l'Universit\u00e9 de Paris, s'adonnaient \u00e0 l'impression d'histoires de chevaliers, de contes populaires et grivois, ou de po\u00e9sie plus ou moins catholique. \u00c0 la m\u00eame \u00e9poque tourne un gang de brigands qui vendaient de faux bijoux dont le chef se faisait appeler le Roi de la coquille. Les imprimeurs s'appellent entre eux les Supp\u00f4ts du Seigneur de la Coquille<\/strong>...<\/i> un hommage ?<\/p>\n

\"suppots-du-serviteur-de-la-coquille\"
\nLe
colloque des trois supp\u00f4ts du Seigneur de la Coquille<\/a> - Imprim\u00e9 \u00e0 Lyon en 1610 - Gallica<\/span><\/p>\n

Coquille faisant ici allusion \u00e0 la farce, mais aussi au sexe f\u00e9minin et masculin, donc \u00e0 l'obsc\u00e8ne. D'ailleurs le mot \u00e9tait couramment utilis\u00e9 en argot pour d\u00e9signer la chose. On lira plus tard dans A. France, Le Lys rouge, 1894, p. 125 qu'une \"revue parisienne venait de publier un de ses po\u00e8mes avec des fautes d'impression, coquilles aussi larges que des b\u00e9nitiers<\/strong>, vastes comme la conque d'Aphrodite<\/em>\".<\/p>\n

D'autres expliquent qu\u2019on lavait les plaques d'impression avec du blanc d\u2019\u0153uf, et que des morceaux de coquilles venaient parfois se glisser entre les caract\u00e8res ou sur les plaques, provoquant des erreurs \u00e0 l'impression. La premi\u00e8re coquille<\/strong> inversant des lettres aurait \u00e9t\u00e9 trouv\u00e9e sur la derni\u00e8re page du c\u00e9l\u00e8bre Psautier de Mayence (imprim\u00e9 en 1457 par Jean Fust et Pierre Schoeffer) o\u00f9 il est \u00e9crit spalmorum<\/em> au lieu de psalmorum<\/em>. On parle aussi d'Erasme qui aurait, apr\u00e8s 1000 copies, rep\u00e9r\u00e9 une coquille dans La Veuve Chr\u00e9tienne<\/em> dans lequel elle faisait malencontreusement \"usage du p\u00e9nis\" -mentula-<\/em> au lieu de l'\"usage de l'esprit\" -mente illa<\/em><\/strong>.<\/p>\n

Enfin, Pierre Desproges raconte avec humour dans l'une de ses Chroniques de la haine ordinaire <\/i>en 1986, intitul\u00e9e \"Coquilles\" que \"le

\"impressio-librorum-van-der-straet-XVIe\"<\/p>\n

Ces erreurs typographiques<\/strong> sont souvent dues aux erreurs de celui qu'on appelle le \"singe\", le typographe qui pioche les caract\u00e8res parmi les 152 cases de bois (les cassetins) et ex\u00e9cute des mouvements rapides et saccad\u00e9s tout en \u00e9coutant la lecture du texte. On en voit trois \u00e0 gauche sur cette gravure du XVIe si\u00e8cle<\/a>. Lorsque l'impression est termin\u00e9e, la distribution des lettres de plomb dans les cassetins se fait parfois mal et l'on jette une lettre \u00e0 la place d'une autre<\/strong>. Le singe fait ainsi des bourdons (oublis), doublons, substitutions ou retourne des lettres, entra\u00eenant des coquilles.<\/p>\n

Le r\u00f4le du correcteur va bien au-del\u00e0 de la simple coquille<\/h3>\n

Parfois, c'est l'auteur lui-m\u00eame qui corrige le texte, ou le ma\u00eetre imprimeur, qui ne le corrige pas seulement, mais \"l'am\u00e9liore grandement en le d\u00e9barrassant de ronces, de pierres et des mauvaises herbes<\/strong>, et l'embellissant de fleurs et de plantes de divers genres<\/em>\" comme l'\u00e9crit Jean de La Pierre. Les correcteurs sont ainsi non seulement sp\u00e9cialistes de l'orthographe, mais surtout de v\u00e9ritables savants capables de lire, comprendre et traduire des manuscrits latins, grecs ou h\u00e9breux et de les retranscrire sans en d\u00e9naturer le sens. Certains re\u00e7oivent m\u00eame les faveurs des Rois.<\/p>\n

Robert Estienne<\/strong> est l'un des correcteurs les plus connus, et dont les \u00e9ditions fond\u00e9es en 1518 \"sont celles de toute l'Europe, o\u00f9 l'on voit le moins de fautes d'impression<\/em>\". Il imprime les pages qu'il laisse \u00e0 la vue de coll\u00e8gues lettr\u00e9s dans son imprimerie, et promet des pi\u00e8ces aux \u00e9tudiants qui d\u00e9busqueront des coquilles<\/strong>. Firmin-Didot \u00e9crira : \"avant Robert Estienne on n'avait aucune id\u00e9e de ce que devait \u00eatre la correction d'un livre<\/em>\". Tory (Geoffroy Tory de Bourges de son vrai nom) \u00e9gale Estienne en corrigeant non seulement l'orthographe et la forme, mais aussi la ponctuation. Il emploie ainsi apostrophes, virgules et c\u00e9dilles<\/strong> et d\u00e9laisse les caract\u00e8res gothiques au profit des romains, dont il a \u00e9t\u00e9 inspir\u00e9 sur les monuments Italiens lors de voyages. Colines quant \u00e0 lui, utilisera pour la premi\u00e8re fois l'italique comme caract\u00e8re de texte.<\/p>\n

L'ortografe est-elle vraiman si pure et inportante ?<\/h2>\n

Hoedt et Piron l'expliquent dans cette vid\u00e9o dr\u00f4le, instructive et d\u00e9culpabilisante : \"avant le 17e si\u00e8cle, tout le monde \u00e9crivait comme il veut<\/strong> ! Les auteurs avaient leur propre orthographe qui variait d'un manuscrit ou d'un imprimeur \u00e0 l'autre<\/em>\". Or ce n'\u00e9taient pas des fautes d'ortografe (sans h et avec un f) \u00e0 proprement parler, car aucun ouvrage ne faisait encore office de Bible de r\u00e9f\u00e9rence. Le premier dictionnaire imprim\u00e9 d'orthographe fran\u00e7aise<\/a> et unilingue date de 1680, par Richelet. Avant, les ouvrages servaient plut\u00f4t \u00e0 la traduction avec un contenu bilingue fran\u00e7ais-latin, voire trilingue (avec une version latin-fran\u00e7ais-breton au XVe<\/sup> si\u00e8cle).<\/p>\n