Graphéine – Agence de communication Paris Lyon

Bourgoin-Jallieu laisse moi dormir !

bourgoin-logo

Je pensais aller me coucher tranquillement. À vrai dire la fin de soirée avait été épique, mais je vous épargne mes petits tracas personnels. J'avais enfin un lit douillet, et songeant au nombre de plumes d'oies de mon oreiller, j'ai ouvert machinalement ma messagerie. Quelle idée. Insomnie assurée.

Mauvais départ.

Pour résumer la situation, en janvier dernier, le maire de cette commune iséroise lance un appel à candidatures pour changer le logo de la ville. Bien sûr sans rémunération. À l'époque nous nous élevions contre ce type de pratique dans les colonnes de ce blog. Pour mémoire c'est ici. Pour ceux qui n'ont pas de mémoire et qui sont feignants, voici le résumé :

"Comme beaucoup, je ne suis pas fan du logo...", c'est par cette "argumentation" digne d'un café du commerce que le maire introduisait son appel public pour la création d'un nouveau logo pour sa ville. Comme une triste habitude, qui dit nouveau Maire, dit nouveau logo. Le maire poursuit : "Il est clair que dans le contexte actuel nous n'allons pas dépenser une fortune pour demander à une boîte de communication".
On pouvait poursuivre "Comme c'est pas compliqué de faire un logo, on a lancé un concours de dessin auprès des classes de maternelles et du club dessin. D'ailleurs, on cherche aussi un plombier amateur pour refaire le réseau de chauffage de la mairie, et un bricoleur du dimanche pour construire une extension à la maison de retraite ! "

C'est vrai ! Pourquoi faire appel à des professionnels quand on peut trouver des amateurs prêts à travailler gratuitement ?

(Ensuite on expliquait en détail pourquoi "Maçon c'est un métier, et graphiste un autre métier". Mais là je ne vais pas me répéter, juste vous inviter à relire le précédent article)

Mauvaise arrivée.

Un an est passé, et voici le résultat.

Je laisse le communiqué de presse parler tout seul :

"Plus qu’une simple évolution graphique, ce nouveau langage visuel s’inscrit dans un dessein plus vaste, celui d’installer la ville de Bourgoin-Jallieu comme un acteur incontournable du paysage institutionnel, culturel et économique régional.
Le nouveau logotype, pilier de cette nouvelle identité graphique, est lisible, reconnaissable et mémorisable par tous. Le prisme de couleur, partant du ciel vers le grenat, symbolise le dynamisme économique, la vitalité culturelle, l’engagement sportif, l’action sociale et la diversité des compétences de la collectivité."

Je tourne sept fois ma langue dans ma bouche.
Je connaissais les small-caps, mais pas encore les big-caps.
Je continue de lire le communiqué de presse...

"La réflexion s’est posée à la fois sur la représentation géographique du territoire de la ville de Bourgoin-Jallieu et sur les facettes utilisées dans le nouveau logo. Elle a permis de dégager une forme (facette) qui sera l’interprétation de la ville et qui permettra de renforcer l’identité de Bourgoin-Jallieu en plus du nouveau logo."

J'ai une crampe de la langue. Je me rabats sur une tisane "Nuit calme" en continuant de lire. Il faut absolument que trouve le sommeil.

"Le logotype a été réalisé par Céline, Manon et Marie*, trois étudiantes de l’école Sup’de Com Lyon..."

*Par bienveillance, les prénoms ont étés changés.

Enfin, après avoir tourné sept fois ma cuillère dans ma tisane "Nuit calme", un sourire illumine mon visage. J'ai enfin trouvé ce qui ne collait pas dans ce logo ! Je vais pouvoir me coucher. Ils ont utilisé la version démo d'une typo Dafont ! Je savais même que ça pouvait exister ! C'est donc ça qui me chagrinait ! (Source).

 


Une identité "singulière"

En 2008, le maire précédent présentait une identité visuelle véritablement iconoclaste dans le paysage institutionnel.
C'était un projet de Pascal Le Coq qui avait été retenu à l'époque.

Le logo était obtenu par l'usage de la typographie "Bourgoin-Jallieu". Un alphabet imaginé pour la municipalité est destiné à être utilisé pour ses documents officiels et la signalétique urbaine. Le service communication indiquant que Pascal Le Coq "a eu l’audace de former les lettres à partir de formes que nous connaissons tous, puisqu’il s’est inspiré des célèbres « gommettes », nous invitant ainsi à revisiter le monde du ludique et du créatif."

Voici un extrait de l'article paru dans le magazine étapes 167:
"L'idée était d'échapper au logo publicitaire devenu une tendance calamiteuse pour de nombreuses municipalités. Je savais que la ville était capable d'une certaine audace. Pour répondre à la modernisation de ses secteurs d'activité: photovoltaïque, textiles intelligents, vie culturelle ou développement durable, la municipalité souhaite se doter d'une identité contemporaine dynamique, qui reflète l'importance du sport dans sa communication. Inspiré par le logotype du quartier de Roppongi Hills à Tokyo, signé Jonathan Barnbrook, Pascal Le Coq s'attache à traduire le nom de la ville par des formes très simples: cercles, demi-cercles et bâtons. Après cette première phase de conception, la forme obtenue, qu'il estime trop figée, conduit au développement d'une fonte complète et multicolore dont l'allure générale entend refléter modernité, audace et mouvement."

"l'accumulation de mots composés en Bourgoin-Jallieu devrait permettre à la ville entière d'acquérir le statut d'oeuvre d'art", ce qui en ferait la "première ville du monde ayant accepté d’acquérir le statut d’œuvre d’art pour tout ce qu’elle est et tout ce qu’elle contient".

À l'époque, nous avions été ahuris par l'audace de ce projet. Une véritable réflexion sur le rôle des "signes graphiques dans l'espace public" était posée. Pourtant, le pari semblait risqué, les formes alambiquées et le panachage chromatique rendait son application délicate. Mais il s'agissait véritablement d'un travail original, moderne, ludique, intelligent, intriguant, inattendu, et donc indispensable !

2016. Feu l'audace. Vive rien.

Promis. Demain je me couche plus tôt !

 

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