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Ne jamais mettre un logo Bouygues Telecom à la machine…

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Bouygues Telecom change de logo

C'est avec une discrétion étrange que Bouygues Télécom a dévoilé un nouveau logo via l’abrégé 2014 et l’espace presse officielle de l’entreprise.

Passer son logo à la machine. Faites le bouillir.
Pour voir si les couleurs d'origine. Peuvent revenir.

Mais de source hasardeuse, nous pouvons vous affirmer qu'il s'agit là d'une simple erreur humaine. En effet, le graphiste en charge de la maquette de l'abrégé 2014, n'ayant a sa disposition qu'une version Jpeg du logo aurait demandé une version "propre" au service com de Bouygues. Un vent de panique souffle alors au troisième étage du siège social, Martin est en vacances sur son yacht, et le sous-sous-sous-directeur-par-intérim de la communication prends alors la décision de passer le logo en machine, pensant obtenir un logo "propre", il règle photoshop sur 90°, en totale méconnaissance des règles élémentaires de design. 2h34 plus tard, le logo en plastique effet 3D ressortira tout fondu. N'osant rien dire, il renverra un fichier .EPS au maquettiste de l'Abrégé 2014.

Pour éviter ce type de désagréments, nous vous invitons toujours à regarder les pictogrammes informatifs au dos d'un logo, surtout quand il est en plastique.

La vraie histoire du logo Bouygues Telecom

Le précédent logo existait depuis presque 20 ans. Et même s’il avait subi la mode des effets 3D à partir de 2005, cela reste un bel âge. Sauf à ignorer un changement stratégique particulier, quelle mouche a pu piquer Bouygues Telecom pour un changement aussi énigmatique ?

Le précédent logo pouvait nous raconter une histoire (dont nous aborderons la sémiotique ci-dessous).
Et si l'on nous parle de "flat design" pour ce nouveau logo, je parlerais de "flat-tout-court". Pour revendiquer le terme "design", il faudrait que ce logo soit "dessiné à dessein". Et pour le "dessein"... à part 3 galets de couleurs qui m'évoquent plus un jouet d'enfant (Oxybul ?) je ne vois pas grand-chose d'autre.

Ah si, le logo perd sa majuscule et la typographie perd sa touche humaniste ! (La typographie était jusqu'à présent un mélange entre du Meta Bold et Meta Bold Italic)

Un peu de sémiotique autour du logo Bouygues

En rédigeant cet article, je suis tombé sur cet article passionnant de Benoît Heilbrunn paru en la revue de Médiologie ( Fondée en 1996 par Régis Debray).

Benoît HEILBRUNN est professeur au département Marketing à ESCP Europe.

Son article traite de la question des logos-visages, et propose une analyse passionnante que nous vous invitons à lire à tête reposée. En voici quelques extraits.

"Le paradoxe essentiel du logo-visage réside dans le fait de recourir au signe ultime de l’individuation comme modalité de représentation du collectif. Ainsi, comme le rappelle fort justement David Le Breton, « la singularité du visage en appelle à celle de l’homme c’est-à-dire à celle de l’individu, atome du social, indivis, conscient de lui-même, [...] se posant en « je » et non plus en « nous autres ». C’est en ce sens que l’on peut véritablement caractériser le visage comme « un mi-dire, un chuchotement de l’identité personnelle ». Le visage implique l’individu et réciproquement l’individu impose la singularité du visage. Pourtant le logo-visage est sans conteste un descendant historique du sceau qui vient justement de sigillum signifiant « figurine » ; c’est à ce titre qu’il exerce un droit de portraiture. Il rappelle également les signatures d’artisans du XVIe siècle, véritables autoportraits avant la lettre.

Cependant, si la signature-visage fonctionne sur l’unicité de l’artisan et sur le rôle d’individuation possible du visage, le logo-visage vise quant à lui à subsumer une identité collective ; il agit en fait comme un signe politique au sens où « la politique est un art d’unification, de la multiplicité, elle crée l’un ».

"Dans le cas du logo de Bouygues, le visage est réduit à un rond blanc détaché d’un corps aux bras écartés réduit à une masse blanche. [...]

Le logo Bouygues nie justement le caractère identifiant du visage et renvoie davantage à une vision « totus », c’est-à-dire à l’idée d’une totalité envisagée comme un bloc, une masse, absorbant les individus, les rendant indiscernables, et les niant comme réalités indépendants. Totus se rattache à un style social intégrateur, où la totalité est première, ignorant les traits individuels : la communauté se décline ici sur le mode du « tout » et non pas du « tous ». [...]

Le logo Bouygues Telecom, fondé quant à lui sur une indifférenciation totale du visage, nie la dimension figurative et identifiante du visage ; il suscite d’emblée une ambiguïté fondamentale, dans la mesure où il n’est pas possible de savoir s’il s’agit du destinateur (la marque, l’entreprise) ou du destinataire (l’usager). Ce recouvrement ambigu des fonctions expressive (celle qui permet d’exprimer le destinateur) et impressive (celle qui permet d’impliquer le destinataire) du visage semble traduire la volonté de la marque de se positionner au cœur du monde des communications tout en assignant à l’usager la place centrale au cœur de ce monde. Le logo insiste donc davantage sur le contrat implicite liant la marque et ses clients ainsi que sur les compétences de la marque qui lui permettent justement d’honorer son contrat.

À l’ambiguïté qui sous-tend l’identité du personnage dans le logo Bouygues, s’ajoute celle liée à la représentation non figurative d’un bonhomme les bras en croix. Le mode de représentation générique rappelle tout d’abord l’interdit biblique qui frappe la représentation figurative de la divinité. De surcroît, associée à la symbolique de la crucifixion, cette défiguration du visage en appelle à la notion de charge (au sens de faire de l’autre son obligé). L’on trouve d’ailleurs parmi les acceptions du mot sumbollon, l’idée de convention, de contrat ou encore d’écot (au sens de payer son écot). [...]

Ainsi, représenter le visage de façon défigurative dans un logo, c’est se réclamer d’une conception particulière de la communauté comme un ensemble de personnes unies non par une propriété, mais par un devoir ou par une dette ; le munus auquel renvoie le visage défiguré ne signifie ni une propriété ni une appartenance. Il n’est pas un avoir, mais au contraire une dette, un gage, un don-à-donner. Les sujets de la communauté (en l’occurrence, ici, les consommateurs) ne sont pas entièrement leur propre maître en ce qu’ils sont avant tout unis par un devoir. [...]

On peut sans doute lire dans ce mode de représentation, une volonté de créer une « relation d’emprise », selon les trois sens originaux du mot emprise : l’appropriation par dépossession de l’autre (le sens administratif de l’emprise), la domination (le sens moral), l’empreinte ou la marque (la trace sur le corps de l’appropriation : mettre la main sur...). [...]

Il s’agit donc ici, sous le sceau de la séduction, de marquer l’autre (au sens physique et symbolique que recouvre le terme de marque), donc de dépropriation. C’est peut-être justement ce qui se joue dans le logo lorsqu’il ôte au visage tout indice d’altérité et d’humanité.

CQFD.

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