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Retour vers le futur pour le nouveau logo Citroën

À la suite de Peugeot et de Renault en 2021, Citroën a récemment dévoilé son logo du futur, qui fait honneur, comme ses concurrents, à un logo du passé, pour une utilisation en tout digital.

Retour en arrière sur les logos Citroën

Après 103 ans d'existence de Citroën, le nouvel insigne de 2022 est le 10e logo de la marque ; une réinterprétation par le Stellantis Design Studio (l'agence graphique du groupe de construction automobile qui regroupe entre autres Citroën, Ram, Opel, Maserati, Ds, Lancia, Peugeot, Jeep, Chrystler, Alfa Romeo...) de l'ovale aux deux chevrons de 1919.

Sur le tout premier logo Citroën de 1919, les fameuses flèches s'inspirent du double système d'engrenages métalliques polonais du début du XXe siècle, en forme de chevrons, que le fondateur André Citroën (qui est encore étudiant) découvre lors d'une visite à sa famille en Pologne. Il achètera le brevet puis utilisera ce système dans des usines françaises. Il doit son succès à ces engrenages plus silencieux et en fait ainsi son symbole de marque. Citroën est d'ailleurs précurseur dans bien des domaines, avec la première voiture industrialisée en Europe, la type A de 1919, les moteurs flottants, les tractions avant en 1934, la Toute Petite Voiture à traction avant avec la 2CV, la suspension hydropneumatique "anti tapecul" (comme l'annonce Jacques Séguéla dans la publicité de la GS en 1978), les premières traversées du Sahara en véhicule motorisé en 1922 puis du continent africain en 2CV en 1978, les jouets pour enfants (les petites voitures et les garages), la publicité spectacle ou encore une voiture électrique louable sans permis... en forme de grille-pain; la Citroën ami lancée en 2020.

Le symbole des 2 chevrons nous fait aussi penser aux insignes des grades des militaires, notamment au caporal, en rouge, ou au sergent. Le premier logo Citroën apparaît d'ailleurs juste après la Première Guerre mondiale, et bien qu'il doive son origine officielle aux engrenages, on peut se demander si ce ne serait pas également un clin d’œil au parcours de sous-lieutenant de Citroën pendant ses études à Polytechnique et aux fastes années d'après-guerre ?

Quoi qu'il en soit, la couleur jaune est d'abord présente sur les chevrons, accompagnée d'un bleu sombre, qui vient soit détourer les flèches soit en fond de l'ovale, jusqu'en 1936. Citroën arbore un temps en parallèle un logo avec un cygne lors de la création du moteur flottant en 1932, sur les Rosalie. Le cygne est assez vite abandonné avant de revenir aux chevrons avec cette fois, en 1959, l'ovale à l'horizontale et les chevrons dorés ou jaunes, non parallèles et sortants de l'ovale.


La Rosalie et son logo cygne, en 1932 (source : site citroën)

En 1966 apparaît le carré bleu qui vient porter l'ovale et les chevrons. En 1985 ces mêmes flèches s'aplatissent et se dessinent en blanc sur fond rouge, et les "chevrons sauvages voient rouge" comme l'annonce la publicité de Séguéla, pour augmenter la visibilité de la marque.

Sur les voitures, le logo qui était jusque là sur les grilles de ventilation ou à l'avant du capot vient s'inscrire dans le prolongement des lignes ou délimite la fin du capot. 2009 signe l'apparition des chevrons aux bords arrondis qui se construisent en volume et en chrome, avec la signature du nom en rouge et une nouvelle typographie, avant de repasser en flat en 2017 pour suivre l'avènement du digital.


(source : site citroën origins)

Sur la 5HP en 1924, le logo est sur fond bleu.

Il se décline dans un triangle sur la m35 en 1969.

La ami one de 2019 porte le logo chromé en version 2D.

Le nouveau logo Citroën avait déjà été siglé dès 2019 sur le prototype 19_19 ci-dessous, mais il fait officiellement son entrée en 2022 : il se modernise et reprend à peu de choses près... sa forme originale. (Les photos sont tirées du site Citroën.)

Un vieux logo rétro-futuriste qui fait plus jeune

Pour marquer l'évolution de la marque, le nouveau logo Citroën a été officiellement dévoilé en parallèle avec le lancement du dernier prototype d'une électrique familiale, la Citroën Oli (à la sonorité all-e = toute électrique), même s'il sera déployé à partir de mi 2023. La Oli présente des caractéristiques minimalistes et très dans l'air du temps qui proposent de faire la révolution dans l'électrique en faisant mieux avec moins : moins de poids pour plus d'autonomie (dont un toit en carton alvéolé), des pièces recyclées, recyclables et réparables, un design optimisant la consommation électrique et la température à bord, un tableau de bord connecté au smartphone. "Faire une voiture électrique c'est bien, mais c'est loin d'être assez" annonce la publicité, comme un manifeste, en criant ASSEZ. Assez de trop plein, et assez, juste ce qu'il faut.

Le logo signature, comme un emblème, se veut plus léger et économe en énergie, sans chrome, pour "plus de recyclabilité". En 2010 Citroën sortait pourtant son 1er modèle électrique, juste après le lancement de son nouveau logo chromé, et la recyclabilité ne semblait pas encore être un problème d'actualité. C'est peut-être là le signe que la marque veut désormais réellement s'engager vers un changement. Elle a annoncé la création de solutions de mobilité plus responsables et durables. En attendant, la Oli n'est pas en vente et sert simplement à montrer ce que Citroën peut faire en termes d'innovations technologiques pour secouer le marché de l'électrique. Une innovation sur le poids de la voiture électrique semble assez cohérente quand on connaît les problèmes liés au poids des batteries (on ne parlera pas ici des émissions CO2 liées à leur fabrication, on laisse qqf vous expliquer tout ça très bien).

Citroën est "la seule marque automobile qui vend aussi des grille-pains" comme on peut le lire sur leur compte Twitter. Des grille-pains ? Depuis le lancement de leur voiture électrique sans permis Ami, la marque a adopté une communication plus jeune et affirmée, évidemment plus présente sur le web. Le logo permet d'ailleurs de s'amuser digitalement en 3D comme le fait Alexandre Revert.

Sans faire de discours de greenwashing, on sait surtout que le choix du flat dans le marché automobile vient avant tout des besoins du marché qui est de plus en plus tourné vers le digital. L'identité globale de marque se veut plus adaptée et confortable sur les supports digitaux, du showroom au site web en passant par l'interface des écrans des véhicules et l'application mobile My Citroën App. Ce n'est pas pour rien que toutes les marques de voiture, ou presque, on refait leur logo en 2D. C'est évidemment un tournant nécessaire pour annoncer un nouveau virage vers le futur.

Le nouveau logo Citroën au design flat est un retour au logo d'origine, avec une typographie plus incisive et futuriste, aux angles marqués. Étonnement, le logo semble tirer dans deux directions opposées, avec la typo qui prolonge une trajectoire futuriste tandis que l’emblème fait marche arrière pour rendre hommage à celui de 1919. On se demande si le tréma du e sera lisible à la découpe sur un capot ; il disparaît d'ailleurs complètement sur la Oli, et on s'étonne aussi de voir que le o est coupé en deux, dans une typo beaucoup plus rondelette que celle du logotype. Enfin, si le sigle est aussi gros, c'est qu'il sert de cache prise pour les futurs véhicules électriques.


Source photos : autonews - Citroën Oli

La nouvelle signature, "nothing moves us like Citroën" (rien ne nous émeut / ne nous transporte autant que Citroën) ajoute enfin une dimension émotionnelle à l'ensemble. Les points de vente des autos sont d'ailleurs appelés 'la maison Citroën' et le Global Brand Manager parle de la "chaleur et douceur presque humaine de l’ovale qui enveloppe les chevrons". L'idée est de faire de Citroën une marque de transport vers la modernité et l'électrique, avec des véhicules avant-gardistes et audacieux. Si le choix du logo n'a presque rien d'étonnant sur le marché, on attend donc Citroën au tournant en termes de révolutions, comme elle a toujours su le faire.

La guerre des marques

Dans un marché automobile bousculé, où les constructeurs historiques voient l'arrivée de nouveaux acteurs s'emparer des dernières innovations (voiture éléctriques, hydrogène, sans permis...) et où les consommateurs sont pris en étau entre "fin du monde et fin du mois", le décryptage des codes de marque s'avère souvent révélateur sur l'état d'esprit de ces entreprises. En se retournant sur leur historique de marque, Citroën semble adopter une posture défensive.

L'actualité juridique des derniers mois révèle également cette fébrilité. En particulier la joute engagée par Citroën contre Polestar, la nouvelle marque du groupe Volvo. Les juristes de la marque aux chevrons se sont indignés de l'utilisation d'un symbole très proche de leur logo. En l'occurrence, le logo de Polestar est une étoile polaire stylisée, composé de deux chevrons en tête à tête.

Mi-2020, le tribunal de Paris refuse de considérer que Polestar s’est rendu responsable de contrefaçon, mais reconnait que celui-ci a « porté atteinte à la renommée des marques françaises », reconnaissant ainsi le préjudice subit par Citroën. Polestar est condamné à verser 150 000 euros de dommages-intérêts et il lui est interdit d’utiliser son logo en France. Une sanction revenant à interdire la commercialisation de leurs automobiles en France.

Le climat était à l'escalade juridictionnelle, Citroën tentant d'annuler la marque au niveau européen, tandis que Polestar accusait Citroën d'avoir plagié ses jantes. La bataille juridique promenait d'être féroce, mais va s'éteindre comme un feu follet sous le crachin breton. Mi-2022, Polestar et Citroën concluent un accord de co-existence. Il va sans dire que le changement de logo de Citroën vient considérablement changer la donne. La confusion entre les deux marques étant nettement moins flagrantes.

L'arroseur arrosé ?

Si les équipes du service juridique de la marque aux chevrons allaient enfin pouvoir prendre quelques jours de RTT, l'accalmie peut s'avérer de courte durée. Nous voilà presque dans la situation de l'arroseur arrosé, leur nouveau logo s'avérant maintenant relativement proche de nouvelles marques, on pense en particulier à la marque chinoise Seres ou encore le constructeur de bus et de vans  Golden Dragon. Les analystes sarcastiques prétendront que les marques chinoises se sont vivement inspirées de la marque aux chevrons, cela resterait à démontrer, qui plus est avec un signe dans sa version ovale qui n'a plus été utilisé depuis 60 ans. Ne pas exploiter un code de marque pendant plus de 5 ans, c'est prendre le risque d'être déchu de ses droits. En peut en déduire que les juristes de Citroën ne sont pas prêts de prendre des vacances !

 

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