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MICKEY TRICHEUR ! Chronique sémiologique

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Les oreilles de Mickey

Ce matin, c'est samedi matin. Grasse matinée, télé allumé, tasse de café, dessins animés. J'émerge lentement dans un climat d'insouciance cathodique. C'est presque comme avant, à un détail près : aujourd’hui tout est en 3D, et même Mickey et ses amis n'échappent pas à ce bouleversement visuel.

Pour des stars américaines, je suis étonné de constater que c'est plutôt discount comme style. Pas de textures, c'est lisse et ça scintille tellement que mes yeux ont envie de se tirer une balle. J'ai la désagréable impression d'être devant un vieux cd-rom de loisir éducatif. La 3D n'y fait rien, j'accroche toujours pas à leur délire coloré tout béat. Je pense alors aux Télétubbies qui ont eux la délicatesse d'opter pour de l'enregistrement live en costumes pourraves, le tout dans un décor qui ressemble étrangement au fond d'écran windows.
Bref, ça gesticule toujours dans le bocal :

Donald se barre je sais pas où, Dingo acquiesce je sais pas quoi et Mickey me matte l'air tout jouasse. Puis il se retourne. Je le vois de profil et c'est le choc ! Une énigme qui hantait mes lectures estivales de Mickey Parade et mettait mon oeil de futur graphiste en alerte vient enfin de disparaître !
Je parle des oreilles de Mickey qui refusent toujours d'être de profil. Ça ne vous a jamais frappé ? Je m’explique : les oreilles de Mickey de face c'est deux disques noirs. Simple. Donc logiquement de profil on ne devrait voir qu’une épaisseur de disque. Résultat, un trait noir en guise d'oreilles !
Bien sûr ce n’est pas du tout ce qui se passé sur le papier et sur l’écran. Walt n’allait pas laisser sa créature désoeuvrée avec un poil sur le caillou ! Alors ignorant les règles de la perspective, il a tout simplement inventé une position bâtarde, ni de profil ni de trois quart, pour qu’on puisse voir en permanence les deux oreilles de sa souris. La réalisation 3D aurait pu rationaliser ce problème mais à ma grande surprise, elle à conservé cette astuce : Mickey tourne la tête, ses oreilles glissent toujours dans le même plan frontal, se désaxent, l'une restant posée seule au sommet du crâne tandis que l'autre entame une chute pour fini quasiment sur sa nuque.

En effet, son créateur lui a destiné un succès mondial. Mickey se devait alors d’être identifiable au premier coup d’œil, surtout par les enfants. Il lui a donc fallu être roublard pour corriger ce bug ontologique. Intuition ou génie, il a su transformer cette faille en marque de fabrique, en signature :
des oreilles étendard qui se comportent comme de véritables paraboles qui vous suivent constamment du regard. Avec la 3D la nature symbolique de ces oreilles éclate au grand jour. Contrairement au reste du corps qui est désormais représenté en volume, elles demeurent un pur signe graphique qui flotte au dessus de sa tête comme une auréole. On peut retrouver ce principe graphique dans la représentation des attributs divins qui ornent les coiffes des dieux égyptiens antiques. Le disque solaire de Râ en est un bon exemple. Ce conflit "dimensionnel" en fait un personnage hors normes – il s'accommode difficilement à nos modes de représentation – et l'introduit dans la sphère du sacré. C'est une icône !
Et puis, hypothèse qui n'engage que moi, on peut voir une autre volonté de la part de son créateur (consciente ou non) dans ces deux oreilles noires. Parce que Mickey, enfant du cinéma moderne d'Hollywood, est une incarnation du cinéma lui-même, c’est-à-dire une caméra sur pattes et ses oreilles des bobines sur lesquelles s'enroule la pellicule. Une souris dieu du septième Art c’est fort ! C’est une grande leçon de design graphique que nous donne là mister Walt ! Elle a d’ailleurs influencée d’autres dessinateurs. Jetez un œil sur Astroboy de Tezuka, et San Goku de Akira Toriyama et vous verrez.
J.

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