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Uber et sa nouvelle identité visuelle qui ne transporte personne !

Lancé en 2009, Uber n'est plus à présenter. Avec plus de 15 millions de trajets par jour, la plateforme de transport est devenue incontournable. Elle est aussi connue pour avoir tristement inspiré le terme "Uberisation" ! Uber dévoile aujourd'hui son nouveau logo.

Noir c'est noir, il y a de l'espoir

Présente dans plus de 660 villes dans le monde et 65 pays, Uber se devait d'adopter un mode de communication international, clair et reconnaissable entre toutes les cultures et les langues.

Chose étonnante: en 2016, le logo d'Uber s'était déjà fait rhabiller en interne avec une nouvelle identité plus "grasse" et imposante, en brodant une histoire autour des bits et des atomes. Un design un peu loufoque et compliqué qui ne collait pas forcément avec la mission de la marque.

Seulement deux ans plus tard, après quelques scandales encore frais dans les mémoires, Uber s'est rapproché de l'agence Wolff Olins pour lui faire concocter un nouveau logo et une nouvelle identité, et repartir sur le bon pied. Les objectifs sont clairs : revaloriser la marque en se basant sur ses forces; à savoir la couleur noire, le nom familier, le U, et le mot Uber comme signe iconique.

 

Le système graphique se base sur une silhouette de “U” venant encadrer une image ou un bloc de texte, et déclinable selon les formats. (Entre nous, l'histoire de “U” c'est un joli storytelling pour décrire une simple marie-louise blanche ! Car personne ne lira jamais un “U” ! )

 

Uber est-il suisse ?

À première vue, et même en creusant, le nouveau logo Uber est d'une simplicité grotesque (pour ne pas dire une pauvreté !) Il repose exclusivement sur une typographie sans serif, neutre, dans un style très suisse. La simplicité de cette typographie, lisible et claire, permet d'utiliser le mot Uber comme logotype et symbole, et d'abandonner l'ancien picto carré aux allures de chargeur d'iPhone.

Le nouveau logo Uber se positionne comme un monolithe classique et intemporel, sans surprise ni fioriture. L'ensemble est froidement "signalétique", pour ne pas dire "no design" !


Source : underconsideration

 

 

Une identité digne d'une signalétique de transports !

La typographie et la charte graphique d'Uber s'inspirent ouvertement des grands panneaux de transport, eux-mêmes réalisés dans le style suisse (ou style international). Nous comparons ci-dessous des visuels du nouvel habillage de Uber (sur fond noir) avec des travaux de Müller-Brockmann, ou encore Massimo Vignelli... Presque 60 ans séparent ces images, mais le style reste intemporel.

Müller-Brockmann : Système graphique des trains suisses.

Signalétique du métro de New York par Massimo Vignelli :

Le style suisse dont s'inspire largement Uber s'inscrit dans la poursuite de la simplicité, où le design est au service de la fonction. La typographie sans serif, épurée et lisible, s'efface pour laisser place au message. Nous étions au début des années 60, le transport aérien explosait. En matière de design, l’enjeu était purement fonctionnel, le caractère local devait s’effacer au profit d’une lisibilité universelle.

Posters Uber :

Posters de Müller-Brockmann :

Une identité visuelle qui ne transporte personne !

En abandonnant ses particularités et en choisissant de se fondre dans la norme, Uber devient la norme et écrase par là même ses concurrents. C'est un message clair et fort : "je suis le plus connu, je suis un modèle". Alors pourquoi se démarquer lorsque l'on est le plus fort ? Puisque c'est une marque de transport reconnue, elle adopte tout simplement le langage des signalétiques de transports.

Depuis 5 à 10 ans, toutes les marques poursuivent ce chemin du minimalisme, du fonctionnalisme (Google, Facebook...) et Uber nous offre un paroxysme. Même pas de symbole, de signe, ou encore à minima de couleur singulière.... Bref, c'est une identité visuelle climatisée et aseptisée !

Dès lors, on peut s'interroger sur ce choix de neutralité déconcertant.
À quoi sert ce qu’on nous apprend sur le rôle du design ?
Où est la part émotionnelle ? Subjective ? Poétique ? Humaine ?
Cette part qui "vous transporte"  dans l'imaginaire, et qui ouvre le champ des possibles !

N'est-ce pas là normalement la force d'une marque, de se démarquer des autres, de se rendre unique et désirable ? N'est-ce pas l'un des rôles du design de créer de la distinctivité ?

La réponse est probablement là. Uber n’a pas de concurrent. Tout comme Google, Facebook ou Amazon. Comprenez que ces marques sont en situation de monopole. Dès lors, pourquoi prendre le risque de chercher à se distinguer ? Pas de concurrent. Pas besoin de design. Les codes visuels dignes d'un “service public de transport” sont largement suffisants !

Ce cas Uber nous invite à réfléchir sur le paradoxe de la situation monopolistique de ces GAFA. Paradoxe pour ces géants du capitalisme quand on sait que “le capitalisme n'aime pas les monopoles !” et que l'une de ses lois fondamentales interdit l'abus de position dominante. Dans ce contexte des voix, comme celle de Nick Srnicek (professeur au King’s College London) avancent des solutions radicales : "Nationalisons les GAFA !"

Alors, soyons fous, et projetons que derrière ces identités visuelles dignes de services publics, il y aurait en ligne de mire la nationalisation d'Uber, Facebook, Google... On peut rêver !

En attendant qu'Uber devienne un service public de transport, elle reste une entreprise privée. Vouloir reprendre les codes d'un service public revient à estampiller son monopole et à affirmer que les autres ne comptent plus. On peut alors voir dans cette technique d'uniformisation des marques le risque de voir disparaître une multitude d'autres. Indirectement c'est le métier de designer qui se trouvera remis en cause.

Pour notre part, nous sommes convaincus que le design aime la diversité, le pluriel, la richesse culturelle... que notre rôle de designer n'est pas de promouvoir le "minimum commun" mais bien le "maximum commun" !

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