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La nouvelle charte graphique des Jeux Olympiques

Le Comité International Olympique a tout récemment demandé à l'agence canadienne Hulse & Durrell de concevoir l'identité globale des Jeux Olympiques, afin d'harmoniser sa visibilité dans tous les pays et sur tous les supports de communication, pour "construire un monde meilleur à travers le sport". Un travail qui n'avait jamais été fait depuis la création des jeux modernes, en 1896 ! Les cinq anneaux de couleur entrelacés sont pourtant l'une des marques les plus connues dans le monde : c'est bien la preuve de la force de ce symbole, simple et universel, aujourd'hui revalorisé.

L'inventeur et l'histoire du logo des Jeux Olympiques

On doit le symbole des anneaux des Jeux Olympiques au baron Pierre de Coubertin qui le créé en 1913. Pierre de Coubertin était un aristocrate à la belle moustache droite comme un fleuret, à l'esprit libre, et passionné de sport et de pédagogie. Son rêve le plus fou est de faire renaître les Jeux Olympiques, pour engager la pratique du sport auprès de tous les hommes peu importe leur métier et leur pays d'origine (mais seulement les hommes ; il s'opposera à la pratique des femmes à l'athlétisme de haut niveau jusqu'à la fin de sa vie) mais aussi de garantir la paix entre les nations à travers cette union sportive qui permet de s'affronter sur le terrain et non sur un champ de bataille. Le baron participe aussi à l'instauration de la pratique sportive à l'école, pour diffuser les valeurs Olympiques -le respect, l'excellence et l'amitié- dans la société.

De Coubertin crée le Comité International Olympique (CIO) en 1894 et deux ans plus tard les premiers jeux ont lieu à Athènes, en hommage au pays d'origine des Jeux antiques. C'est d'ailleurs parce que le comité de création naît en France que la langue officielle des Jeux Olympiques est et restera le français, associée à l'anglais. En 1896 les Jeux n'ont pas encore de logo. Mais Pierre de Courbetin est également secrétaire général de l'Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, dont le symbole, deux cercles bleu et rouge entrelacés et plats, lui inspireront le fameux logo des Jeux Olympiques que nous connaissons aujourd'hui. En espaçant les deux cercles, il en rajoute 3 autres, sur deux rangées, comme l'explique la vidéo ci-dessous.

Cinq anneaux et cinq couleurs pour unir les peuples

Le drapeau aux cinq anneaux de couleurs sera dessiné par de Coubertin en 1913 et présenté pour la première fois en 1914 à Alexandrie pour le 20 ème anniversaire du CIO. Il sera hissé lors des Jeux d'Anvers en 1920, les premiers après la première guerre mondiale. Les 5 anneaux représentent la rencontre des athlètes des 5 continents liés à travers la compétition et la célébration. Ils forment le symbole graphique même de l'union, de l'universalité, de l'unité. Le cercle est une forme hautement symbolique car c'est l'une des plus anciennes au monde : il est, comme le rond, le symbole de la complétude, de l'union, de la perfection et de l'équilibre. Les anneaux sont ici imbriqués comme les maillons d'une chaîne, ou des médailles. Les couleurs font référence aux couleurs utilisées dans les drapeaux des pays participants, afin qu'ils puissent retrouver au moins une couleur de leur propre pays.

Le symbole est repris tous les 4 ans par les pays d'accueil des Jeux, et il connaît quelques petites variations, que le CIO normalise de temps en temps. En 1957, l'agencement des anneaux est officiellement revu pour les espacer d'une manière symétrique, et en 1986 leur enchevêtrement laisse apparaître un petit espace, qui disparaîtra en 2010. En 2020, le CIO décide de créer une identité officielle des Jeux Olympiques pour garantir l'universalité de son image et une utilisation normée sur tous les supports de communication.

Une nouvelle identité universelle pour les Jeux Olympiques

La nouvelle identité des Jeux Olympiques n'a donc pas l'air si nouvelle, car tout le monde en connaît déjà les codes et les couleurs, et n'a en cela rien de révolutionnaire. Mais elle permet de rendre enfin son utilisation universelle, à la fois par les peuples et sur tous les canaux de communication. "Depuis 125 ans, les Jeux Olympiques véhiculent un message d'inclusion, d'universalité et d'espoir. Il était temps de rassembler ces valeurs intemporelles dans une identité visuelle complète pour la marque olympique, qui soit présente non seulement pendant les Jeux, mais aussi entre deux éditions." précise Marie Sallois, Directrice de la gestion de la marque CIO.

L'agence Canadienne Hulse & Durrell a travaillé sur la création d'une identité universelle "inspirée de notre héritage" s'inspirant de l'âge d'or du graphisme Suisse, avec un système de grille "consistant et flexible", des formes géométriques et des pictogrammes, en ajoutant des déclinaisons modernes comme des illustrations et trois typographies complémentaires, déclinables sur le site internet des JO et l'appli mobile Olympics.

Un style suisse

La grille de la nouvelle identité vient encadrer les éléments et poser les limites de l'action tout en lui laissant de la place, comme sur un terrain de sport. Ce système de grille est inspiré du travail du graphiste allemand Josef Müller-Brockmann et de ses contemporains fondateurs du Style International Suisse, où siège le CIO. Hérité des avant-gardistes russes ou néerlandais et des principes de l'école du Bauhaus et des mesures divines du XVIeme siècle, ce mouvement phare du modernisme des années 50 cherche l'universalisme à travers la neutralité. L'idée est de se défaire des signes culturels ou esthétiques, pour être le plus universel possible, à la suite des écrits d'Adolf Loos. Le Style International Suisse fait usage de la géométrie, réputée universelle et rationnelle, en développant un système de grille modulaire pour délimiter et construire l'espace graphique (comme l'avaient fait les peintres du mouvement De Stijl avant eux), ou des caractères typographiques avec la création des linéales géométriques.

La typographie joue un rôle important dans la composition globale, en tant qu'élément visuel et associé au photomontage, tout en éliminant le superflu et les ornementation. Comme l'explique Müller-Brockmann, "l'information atteindra un maximum d'expression si l'objet ou l'idée sont présentés de façon esthétique et efficiente, avec un minimum de formes d'accompagnement. (...) La forme graphique doit, si possible, devenir véhicule anonyme du message à transmettre." Appliquée à la charte des Jeux-Olympiques, ci-dessous, la grille permet de construire l'espace et de jongler d'une manière simple et rationnelle entre les couleurs, le corps de texte, les titres, et les illustrations.


Petite parenthèse sur un point qui nous interroge. Si la quête de l'universalisme passait à l'époque par la neutralité et la rigueur mathématique, on peut se demander, comme le soulèvent les grands débats sociétaux d'aujourd'hui, si la représentation des nations et des diversités doit nécessairement passer par tout son opposé, c'est à dire la neutralité, ou si l'on pourrait s'ouvrir aujourd'hui à un graphisme plus humaniste, inclusif, et accueillant les différences au lieu de les éliminer. Faut-il nécessairement un "véhicule anonyme" pour représenter les foules ? Il faut rappeler que le mouvement moderniste doit ses fondements aux écrits d'Adolf Loos, suprématiste blanc, qui méprisait tout ce qui n'était ni aristocrate, ni homme, ni occidental, ni blanc. Nous en parlons à la fin de notre deuxième article sur le modernisme, si vous souhaitez approfondir le sujet et échanger avec nous sur le sujet, en commentaire. Évidemment que la méthode a fait ses preuves, mais pourrait-on en inventer une autre aujourd'hui ? Surtout pour un projet comme les Jeux Olympiques...


Quand à la typographie, l'agence a proposé trois familles de caractères qui viennent rythmer la charte. L'Olympic Headline, tout d'abord, créée en 2020 par le canadien Julien Hébert. Ce sont des caractères percutants, audacieux, toujours en majuscules, et en gras. Elle est utilisée pour les titres courts, les cérémonies, et inspirée des JO de Tokyo en 1964 et de Séoul en 1988. La seconde est l'Olympic Sans, du suisse Fabian Harb. Celle-ci est de style suisse néo-grotesque, c'est à dire linéale, sans empattements, utilisée pour le corps du texte. C'est une interprétation contemporaine de l'Akzidenz-Grotesk, créé en 1896, la même année que les premiers Jeux Olympiques. L'akzidenz-Grotesk est la première typographie sans-serif populaire, mère des linéales géométriques ; elle porte en elle l'héritage de cette quête de l'universalité. La troisième est l'Olympic Serif de 2020, par l'anglais Seb McLauchlan. Celle-ci, la seule avec empattements, apporte tradition et élégance à l'ensemble. On l'utilise pour les éléments à surligner, les citations ou les titres, en option 2. Elle vient casser la rigueur rythmique des autres typographies et apporter un côté plus humain au tout. En matière d'innovations, on souligne aussi le fait que la charte prévoit alternatives en écriture unicode et OpenType, des typographies standardisées et universelles, qui proposent automatiquement des corrections typographiques.

Des pictrogrammes officiels ont également été développés pour représenter les différents sports. Les premières icônes graphiques sont proposées aux JO de Tokyo en 1964 comme un langage graphique universel pour guider les foules et communiquer au-delà des langues et des cultures. Chaque ville se les approprie et les fait ensuite évoluer. La charte propose une version à la géométrie pure, "intemporelle", construite ici aussi avec des formes géométriques.

Quand aux couleurs des cinq anneaux, déposées comme combinaison de couleurs de marque, elles sont ici complétées par des variations de tons, en ajoutant les trois couleurs des médailles : l'or, l'argent et le bronze. Ces couleurs permettent de compléter les illustrations qui font leur grand retour dans les Jeux Olympiques. C'est en effet un hommage aux JO de 1912 à 1948, pendant lesquels des professionnels de l'image étaient eux aussi récompensés par des médailles, comme des poètes, des artistes ou des architectes. Les illustrations en aplats, aux formes géométriques, et au "style flat" permettent d'amener l'art au cœur des JO et de mettre en avant des talents créatifs de plusieurs pays.

Les illustrations, qui ne sont pas figées comme le reste de la charte, servent ici à véhiculer un message difficile à transmettre avec des photos. Les illustratrices et illustrateurs sont invités à jouer librement avec les couleurs pour représenter l'unité, en soulignant l'équilibre entre les genres, les cultures et les sports. Les lignes et couleurs permettent aussi la création de motifs colorés comme éléments graphiques pour représenter les terrains, découpés selon un système de grille modulable et géométrique (qui fait penser aux motifs du Bauhaus) pour illustrer les nations unies par les jeux. S'utilise aussi en lignes alternées, déclinées dans une couleur unie, comme élément décoratif complémentaire.


Pour les curieux ou bien les fanatiques de chartes graphiques, voici un lien pour télécharger la charte graphique complète au format PDF.
Vous pourrez aussi trouver plus d'information sur le site dédié : https://olympics.com/cio/marque-olympique

On ne peut que souhaiter longue vie à cette nouvelle identité. En revanche, pour rebondir avec l'actualité et le choix aberrant de la ville futuriste de Trojena dans les montagnes de Neom pour accueillir le prochain village des jeux Asiatiques d'hiver en plein cœur du désert d'Arabie Saoudite. Un choix absurde, choquant et totalement anachronique, bien que le CIO n'intervienne pas pour ce genre de prise de décision. Il serait peut-être temps de faire quelque chose !

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