L’invasion des chatons

16 janvier 2013  |   10 Commentaires   |    |  

Lolcats dans la communication

Cet article sur les Lolcats arrive un peu tard, mais grâce à ce super mot-clé, on va exploser le compteur de visite de ce blog.

Petit rappel pour ceux qui n’ont pas suivi, le phénomène du chat sur internet vient du mème des Lolcats. À l’origine, il s’agit d’un phénomène non commercial apparu vers 2005 / 2006 sur le forum 4chan.
Un Lolcat est l’association d’une photo de chat avec un mot ou une courte phrase (dans un anglais approximatif), qui rendent le tout drôle, décalé et qu’une communauté restreinte a commencé à s’échanger pour le plaisir.

Le phénomène a depuis pris de l’ampleur et ne s’est pas arrêté aux photos, ont suivi les vidéos telles que Keyboard Cat (un chat qui joue du synthé, 28 816 552 vues sur Youtube), Maru (un chat japonais qui entre dans des boites en carton), des GIF animés avec Nyan Cat (un chat-tartine-arc-en-ciel), le feuilleton Simon’s Cat et des vrais chats comme Sergi, le chat de Norman qui possède sa propre page Facebook.

Pour comprendre le pourquoi de cette invasion de chats, on trouve dans différents articles des éléments de réponse.

L’empathie à l’égard des animaux

Bien avant les années 2000, on trouve ce qui peut s’apparenter aux premiers Lolcats avec les photographies du Britannique Harry Pointer (1822-1889) qui dès 1870 photographie des félins déguisés dans des postures très «humaines». Et c’est peut-être le pourquoi du succès du chat, sa faculté à singer nos comportements. Harry Pointer explique que «les lapins sont plus faciles à photographier en costume, mais sont incapables de prendre des postures de l’homme».

Harry Pointer Lolcats historic

C’est aussi cet aspect que soulève la sociologue française et directrice de recherche au CNRS Monique Dagnaud, c’est cet anthropomorphisme qui fait que le chat, tout comme le chien, a plus de succès que d’autres animaux domestiques.
«Pour résumer, quand un animal est domestiqué, il y a des conséquences sur son physique qui évolue pour paraître plus juvénile», raconte Chris Menning. « Il semble que ce soit de l’adaptation : en ayant l’air plus infantile, plus ‘mignon’, l’animal a plus de chances d’attirer l’attention de l’homme qui s’en occupera.»

On remarque que chez la plupart des vertébrés (dont les chats et les hommes font partie), les stades juvéniles se caractérisent souvent par une tête plus grosse, des yeux plus grands et des formes plus rondes par rapport aux proportions du corps de l’adulte. La néoténie est le fait de conserver ces caractéristiques juvéniles à l'âge adulte.

Ce pourra être le sujet d'un autre article, mais la néoténie, théorie développée dans les années 20, aura un fort impact après guerre à travers les personnages de Disney, puis des Mangas japonais. Pour revenir à notre bébé chat, ses caractéristiques néoténiques évoquent donc le monde de l’enfance, la fragilité, une certaine forme de douceur et de nostalgie, qui produit un attachement primal avec ses personnages.

En plus de son comportement, le chat cumule d’autres avantages : il est universel, domestique et c’est plus facile de filmer un chat qu’un ours blanc.

Le partage viral

Les Lolcats ont commencé de cette manière et cette culture du partage va générer un sentiment d’appartenance. «C’est une façon pour les gens d’exprimer leurs émotions, de les partager avec les autres (…)». En effet, les internautes aiment «partager toutes sortes de choses, surtout des choses qu’ils aiment», il n’est pas surprenant que ce partage porte sur des images de leurs animaux préférés - à savoir le chat et le chien.

Et le chat, par rapport au chien, part avec un capital sympathie non négligeable. Outre son format qui le rend plus accessible que le chien, son passé historique est plutôt positif (si on enlève la période Moyen-Age). Vénéré par les Égyptiens et en Asie, le chat reste synonyme de chance, de richesse ou de longévité. Dans la culture japonaise, le chat est très apprécié, la statuette du chat qui lève la patte le Manekineko «chat du bonheur» est très populaire et ils sont allés jusqu’à ouvrir des bars à chats (Neko Cafés) ou les clients peuvent boire un thé tout en caressant des félins afin de se détendre.

Le chat devient un point de rencontre, un prétexte à communiquer avec les autres. Au point que la ville de Minneapolis a accueilli le premier festival international du Lolcat le 30 août 2012 où l’on désigne la meilleure vidéo de chat.

Ce que cela nous renvoie

La figure du chat incarne des valeurs telles que l’autonomie, la liberté, l’individualité, idéologies que prône notre société actuellement. Pour la nouvelle génération du web pour qui rien n’est sérieux, les GIF animés de chat font partie du paysage.

Regarder des vidéos de chat pendant des heures n’est pas une mauvaise chose, des études sérieuses montrent que l’ennui à dose modérée peut être source de créativité.
Deux chercheuses britanniques en psychologie de l’université du Central Lancashire - Sandi Mann et Rebekah Cadman - viennent de confirmer cette hypothèse. Si l’ennui est propice à la créativité, les moments d’échange de vidéos et de photos entre collègues seraient-ils bénéfiques ? Cette procrastination aiderait-elle à se reconcentrer sur les tâches quotidiennes ? Dans cette hypothèse, les vidéos de chat deviendraient un échappatoire, un moment de détente nécessaire dans la journée.

Une autre étude montre le pouvoir du «kawaii» (mignon en japonais) sur la concentration. Le fait de regarder des images kawaii augmenterait la concentration et la capacité à réaliser différentes tâches. L’expérience se déroulait avec 2 groupes, on soumettait au premier des images de bébés animaux avant de leur demander de réaliser une action tandis que le second groupe avait des images d’animaux adultes. La concentration du 1er groupe était supérieure d’environ 44% par rapport au 2e groupe. Le fait de regarder des images mignonnes permettrait une concentration plus accrue dans la recherche du détail.

Amnesty félinternational :

En politique, d'après la théorie des chats mignons de Ethan Zuckerman, les "lolcats" possèdent aussi, une vertu étonnante : la lutte contre les dictatures !

En effet, si un forum ou un site internet participatif ( qui attire les activistes ) va facilement pouvoir être accusé d'être un "repère de pornographes" afin d'en justifier la censure, il semble difficile de censurer un site parlant de petits chats. Dès lors, il suffit d'élaborer un code international du lolcat anti-oppression : géolocaliser une photo de son chat sur Googlemap = indiquer la position d'un prisonnier politique, twitter l'état d'humeur de son chat = indiquer l'état en temps réel d'emprisonnement d'un activiste... etc.

“C’est le Miaou final, miaulons-nous et demain
La félinternationale, sera le chat humain”

Récupération par la communication

Il était donc prévisible que les marques se soient emparées du phénomène. On trouve de nombreux exemples en France et à l’étranger de publicités utilisant à tort ou à raison un chat comme personnage principal. En France c’est le dernier sport de Bouygues Telecom qui réussit le buzz et vient toucher la cible des 15-25 ans avec ses employés-chatons (2 729 819 vues sur Youtube)

Autre exemple avec la compagnie d’assurances suédoise Folksam qui met en scène des chats qui s’initient au parachute sur le morceau «I Believe I Can Fly» de R. Kelly.
Ces derniers ont d’ailleurs eu un retour de buzz négatif avec la montée au créneau des associations de protection des animaux qui pensaient qu’ils avaient réellement balancé des chats d’un avion

Toyota met en scène un chat dans son spot pour la Corolla où ce dernier est prêt à tout pour remonter dans la voiture de ses rêves.

Quant à la marque UNIQLO, elle a choisi la star du web Maru pour le lancement de sa nouvelle boutique.

Le milieu politique s’est lui aussi laissé séduire par la fourrure avec le partie d’Éva Joly, EELV (Europe Écologie Les Verts) qui a utilisé des vidéos de chats célèbres pour inciter à s’inscrire sur les listes électorales et voter pour Éva Joly aux présidentielles de 2012.

Il n’y a qu’à voir le succès d’un des derniers films Dreamworks, «Le Chat Potté» qui vole la vedette à «Shrek», film d’où il est issu en tant que personnage secondaire.

Le lolcats contemporain

Cette récupération par la culture de masse n’est pas étonnante, mais lorsqu’il s’agit du milieu culturel, on peut se poser la question.
Lorsque l’on regarde la dernière communication du Musée d'Art Contemporain de Lyon pour son exposition Cage’s Satie, la photographie choisie représente le compositeur américain John Cage tenant un chat dans ses bras. Simple hasard ou la présence d’un chat a-t-elle pu influencer le choix d’iconographie afin de rendre l’exposition plus séduisante ?

Liens

Si vous voulez en savoir plus sur le Catvertising :

BONUS : Si vous aimez les chats, les GIF et les paillettes !


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10 commentaires :

  1. Nico G. :

    Un article de Fanny ! Christel m’a informé et je ne voulais pas rater ça. Surtout que le sujet est d’importance.
    Pour approfondir, jeter une oreille sur un entretien que Clive Thompson a accordé à Place de la toile. Il cite Zuckerberg (pas celui de Facebook, celui du M.I.T) qui a théorisé « l’effet du joli petit chat », ou comment les cyber activistes chinois se sont servis de cet amour incontrôlé des internautes pour les gentils petits chats dans leur lutte contre la censure. Ça se trouve là
    http://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-entretien-avec-clive-thompson-2012-07-21
    (à peu prés à 24 min…)

  2. Johann :

    GéniaL.
    On se demande vraiment si cette vidéo est une blague ou une réalité contre-faite :p

  3. Fanny :

    merci pour le lien ! :)

  4. Marlène Duretz :

    Selon une récente étude japonaise, regarder des photos de chiots et de chatons augmenterait les performances et le niveau de concentration…
    http://www.lemonde.fr/vous/article/2013/01/18/kawaii_1819128_3238.html

    :-)

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