ACTE II – Les Trente Glorieuses des affiches de théâtre 1950/60

24 juin 2025  |   0 Commentaires   |    |  

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Cet article est le troisième d’une série sur l’histoire de l’affiche de théâtre en France. Elle retrace l'origine des affiches de théâtre et leurs spécificités, miroir de notre société évoluant du tout texte à l'image, en passant par la création typographique et les supports numériques.

Articles déjà parus :
Préambule : Histoire de l'affiche de théâtre en 6 actes
ACTE I - L’âge d’or de l’affiche de théâtre au XIXe siècle

Les articles à paraître :
ACTE III - L’héritage de l’école polonaise et les années 70/80
ACTE IV - Les affiches du théâtre de la Colline, de Batory à l’atelier ter Bekke & Behage
ACTE V - L’intrusion de l’art contemporain
ACTE VI - La décennie des réseaux sociaux + épilogue, le règne typographique


Le Style international après guerre

Dans la décennie de l’après-guerre, le Style international et moderniste, héritier du Bauhaus, va s’imposer un peu partout dans le monde occidental. Le besoin d’une communication commerciale, plus neutre et moins plastique, justifie la photographie et les typographies linéales. L’affiche de théâtre ne sera pas le support privilégié de l’Helvetica.

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Deux affiches d’Armin Hofmann, une des figures de proue de ce qu’on a appelé l’École bâloise, se distinguent. La première pour le Stadttheater Basel, récompensée par le Prix de l’Affiche suisse en 1960. Une affiche noir et blanc, à l’image de la rigueur d’Hofmann. Une typographie très présente, très graphique, surplombant un personnage en équilibre instable.

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La deuxième, TELL, également en noir et blanc, et que l’on retrouve dans toutes les anthologies, date de 1963. Une transcription minimaliste et typographique de la légende de Guillaume Tell. Les 4 lettres du mot TELL, suggèrent par leur réduction, la perspective jusqu’à la pomme quasi abstraite et identifiable par sa queue.

Autre figure incontournable, Josef Müller-Brockmann, réalisera une série d’affiches de théâtrepour l’Opernhaus Zürich qui préfigure avec un demi-siècle d’avance l’approche contemporaine de certains théâtres publics parisiens (on pense au travail de ter Beckke & Behage pour la Colline et l’Odéon).

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Marcel Jacno et le TNP

En France, 3 lettres, TNP, vont profondément marquer le paysage du théâtre des Trente Glorieuses. En 1950, Marcel Jacno (voir notre article sur le magazine) rencontre Jean Villar, le directeur du TNP, le Théâtre National Populaire qui est aussi fondateur du Festival d’Avignon. Et rapidement une relation de complicité et de confiance va déboucher sur une collaboration de 20 ans.

De 1951 à 1972, ce sont pas moins d’une centaine d’affiches que Jacno va réaliser pour l’homme de théâtre. « Notre entente était parfaite, rapporte Jacno dans son livre de souvenir, “Un bel avenir”. Le choix des projets d’affiches se décidait en tête à tête. Sans intervention étrangère, sans referendum. […] Je posais mes dessins par terre, sur le parquet. Vilar, debout à mon côté, en robe de chambre, examinait, mûrissait son opinion. “Il faut que ça saigne !” disait-il. »

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En 1950, l’affiche générique du TNP donne le ton

Une affiche sobre, typographique, aux couleurs limitées du drapeau national, du bleu, du blanc et du rouge pour le Théâtre National Populaire. Et se met rapidement en place ce qui va constituer un des premiers systèmes d’identification visuelle en France. Une charte graphique déclinable qui s’étend à tous les supports. Avec une attention toute particulière pour la typographie puisque Jacno va créer pour l’occasion, le “Chaillot”, un caractère pochoir s’inspirant des tampons frappés sur les caisses en bois des troupes de théâtre en tournée. Il entendait, pour le TNP, trouver une écriture graphique s’appuyant sur un concept qui lui était cher : “L’homogénéité des formes est beaucoup plus importante que la pureté du contour des lettres.”

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L’identité visuelle du TNP sera travaillée à partir du Chaillot dans un ovale irrégulier. Une étiquette qu’il utilisera comme marqueur sur la déclinaison des affiches. « Avec cet alphabet de formes inattendues, j’ai voulu que les titres prennent la vedette et fassent images dans les imprimés. » La fonderie Deberny et Peignot éditera le Chaillot à partir de 1953.

« Comme dans tout graphisme efficace, défendait-il, il y a, dans les affiches d’une entreprise théâtrale, deux éléments qui, répétés en toute occasion, doivent être aisément perçus par les yeux et saisis par l’intelligence. D’abord la couleur, ensuite la typographie des titres principaux, qui, tout en demeurant très lisible, doit être violemment caractéristique. En bleu, blanc, et rouge, les affiches du TNP et du Festival d’Avignon portaient, avec ce flambeau, la marque de fabrique d’une culture appartenant au peuple, dans “le style Révolution française”. »

Et là encore, une préfiguration de ce qui deviendra la tendance aujourd’hui. “L’entreprise théâtre”, comme dit Jacno prenant le pas sur le spectacle au nom de l’identification.

La complicité Jacno et Villar à travers l’élaboration des affiches du TNP assurera au graphiste une place incontournable. Tous les théâtres français d’importance vont lui confier leurs affiches, programmes et lignes graphiques. En 1970, la Comédie Française fera appel à lui pour sa communication. Pendant 30 ans, jusqu’en 1980, Jacno sera omniprésent avec des affiches donnant à voir un théâtre ouvert et populaire.

Dans l'acte III, nous verrons l'influence de l'école polonaise sur les affiches de théâtre françaises.

 


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