Pour commencer, on se souvient que Nike a payé 35 $ Carolyn Davidson pour la conception de son logo.
Nous étions en 1971, et il n'y avait pas énormément de raison de la rémunérer plus à l'époque : elle était encore étudiante ! C'est vrai, elle pourra mettre ça dans son book après tout ! (ironie)
46 ans après, les "Paradise Papers" publiés par le Consortium International des Journalistes d'Investigation (ICIJ) nous rappellent que ces multinationales n'ont pas oublié d'être égoïstes en exploitant les plus infimes failles fiscales et en montant des holdings aux Bermudes ou aux Pays-Bas !
Comme le résume le journal Le Monde "l’équipementier américain engrange près 7,5 milliards d’euros de recettes par an en provenance de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Mais il ne paye que moins de 2 % d’impôts sur les bénéfices, loin des 25 % de moyenne des entreprises européennes. Nike réussit ce tour de force depuis 2014, en rapatriant tous ses revenus européens dans une filiale aux Pays-Bas – rien d’inhabituel jusque-là pour une multinationale –, qui paye à une autre filiale de Nike le droit d’utiliser… la marque Nike [aka le logo !], "asséchant" artificiellement ses profits. La deuxième filiale profite ensuite d’une faille dans la législation néerlandaise (le "CV-BV") grâce à laquelle le fisc néerlandais estime que la structure doit être taxée aux États-Unis, tandis que de son côté, le fisc américain estime qu’elle doit l’être aux Pays-Bas. Résultat : Nike ne paie pas un centime d’impôts."
Ce montage fiscal s’avère encore plus efficace que le précédent, qui consistait pour Nike à stocker ses profits dans l’archipel caribéen des Bermudes.
Nike n'est pas la seule marque à exploiter ces failles fiscales bermudiennes ou néerlandaises. Dans les années 1980, Ikea avait mis en place un réseau complexe de holdings et d'associations à but non lucratif pour éviter de payer des impôts. L'une d'entre elles, Inter Ikea Systems BV, était propriétaire de la marque "Ikea" et était basée ? ... vous l'aviez deviné : aux Pays-Bas !
Sur les 500 plus grandes sociétés cotées en bourse aux États-Unis, l'ICIJ a découvert plus de 200 filiales néerlandaises profitant de l'astuce. Ok... c'est normal... 2 multinationales sur 5 s'organisent pour ne pas payer d'impôts. Cela dit, c'est possible que le terme "solidarité fiscale" ne soit pas encore traduit en anglais. Pour les multinationales françaises, vous n'avez aucune excuse c'est dans le dictionnaire depuis 1789.
Dans la plupart de ces situations, ce sont les actifs immatériels qui sont gérés par ces holdings. Autant dire, lorsqu'on achète des paires de baskets, notre argent passe du marchand de chaussures à la filiale de Nike qui produit les chaussures, qui elle paye des royalties pour l'utilisation du logo à la holding hollandaise. En résumé "Nike se paye à lui-même le droit d’utiliser sa marque" !
Alors, là, on fait un calcul rapide...
Valeur du logo en 1971 : 35 $
Valeur du logo en 2017 : 7 500 000 000 $
Soit une augmentation de valeur de 214 285 714 % en 46 ans.
4 658 385 % par an. 12 762 % par jour. 531 % par heure.
Du jamais vu ! Mes yeux en tombent !
Nous avons enfin là un "KPI*" incroyable pour mesurer la valeur ajoutée du branding ! Depuis le temps que l'on prêchait "Good design is good business" !
(*KPI : Key Performance Indicator. Pour ceux qui ne parlent pas la novlangue du marketing.)
Ok, le calcul est aussi absurde que d'imaginer que l'archipel des Bermudes doive sa géographie au design du logo de Nike. Et pourtant...
Article intéressant, par contre il faut rappeler plusieurs choses car le début de l’article sous-entend, comme la croyance populaire le veut d’ailleurs, que Carolyn Davidson a été sous-payée :
– $35 de 1971 équivalent environ à $205 de 2016
– le travail a été fait en environ 17h, soit une rémunération horaire de $12 sans inclure la cession des droits, ce qui reste très peu pour de la conception graphique mais qui devait être convertie en $ actuels pour mieux se rendre compte.
– à l’époque, Nike, qui s’appelait Blue Ribbon Sport, n’avait évidemment pas les mêmes ambitions de diffusion qu’à l’heure actuelle. On peut supposer que la cession de droits initiale a vite été dépassée, ce qui est plutôt le tort de Davidson puisqu’elle aurait dû renégocier ses royalties.
– en 1983, Nike a remis à Carolyn Davidson des actions dans la société, soit plusieurs centaines de milliers de dollars.
En bref, le swoosh est un modèle typique de mauvaise facturation de cession de droits, puisque celle-ci aurait dû être renégociée dès que la diffusion a explosé, mais l’idée reçue que Carolyn Davidson a été rémunérée de façon honteuse est en partie fausse.