Suivre sa passion ou travailler avec passion : une histoire de sommet

05 janvier 2017  |   3 Commentaires   |    |  

Si l'on en croit Cal Newport, écrivain américain, suivre sa passion pour en faire absolument son métier reviendrait à faire fausse route. Alors, comment faire pour au contraire travailler avec passion et quels choix de carrière suivre pour éviter les crevasses ?

Le lapin et la montagne : conte en trois parties

Partie 1 : Où le lapin vise le sommet

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Prenons l'exemple d'un lapin passionné d'alpinisme. Voilà un joli lapin blanc, sorti d'école, en route vers la montagne de l'Emploi. Il est prêt à gravir la pente, frais comme un gardon, gaillard comme un lézard. Son objectif ultime : atteindre le Mont Travail Passion.

Avec son joli sac de connaissances, sa gourde de techniques et quelques spécificités linguistiques encordées à la ceinture, c'est un tueur du pathfinder, un pro du pinceau, un as du contour dynamique. Son rêve : suivre sa passion et devenir un grand Alpiniste-Directeur-Artistique.

Hé là, redescend petit lapin, la route est semée d'embûches, et il va falloir grimper dru !

Imaginons que le lapin en question, comme ses camarades, se soit mis dans la tête de filer droit jusqu'au sommet. Dans son ascension, il va probablement tomber nez à nez sur une crevasse (manque de connaissances), rencontrer deux ou trois grizzlis terrifiants (des chefs ou collègues peu commodes), et finir épuisé, en manque d'oxygène, bien avant le sommet (arrêt maladie).

Pourquoi ? C'est très simple : tout concentré qu'il est sur le sommet, le petit lapin n'est encore ni assez entraîné, ni assez endurant, ni assez rapide pour gravir cette cime. Même s'il a acheté tout son équipement au vieux campeur -qu'il s'est formé dans les meilleures universités si vous préférez-, il n'a pas encore conscience d'avoir le vertige. Alors, bien sûr, il arrivera sûrement un jour à atteindre le sommet, mais si la grimpette est son seul but, il n'ira pas loin.

Partie 2 : Là haut, sur la montagne

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Lorsque l'on vise absolument à faire un métier précis parce que c'est notre passion, il y a de fortes chances pour que l'on n'y parvienne pas tout de suite, voire jamais. Ce n'est pas le sommet Passion qu'il faut viser ; il vaut mieux emprunter les petits chemins qui mènent à ce sommet. Qui dit chemins de traverse ne dit pas nécessairement ralentir le pas, au contraire. En grimpant intelligemment sans filer droit vers le Mont Travail Passion, petit lapin deviendra plus fort, plus apte à travailler ensuite avec passion.

Si le lapin rêve de devenir Alpiniste Directeur Artistique ; plutôt que de s'abimer les coussinets sur les roches abruptes et droites, ne devrait-il pas plutôt examiner ce qu'il y a de si passionnant en haut du Mont Travail Passion ? Peut-être que tout en haut l'on trouve des choses qui sont aussi dans les plaines et sur les flans de montagne ?

Analysons cette cime ensemble, voulez-vous ? On y trouve du grand air dans l'Alpage de la Créativité, un joli et pointu Refuge de la Culture, la fameuse Aiguille de la Spontanéité jouant dans les nuages, ainsi que le Ruisseau du Management. C'est un bien beau Mont.

Ce qui plaît au lapin, est-ce réellement l'alpinisme en lui-même, ou plutôt découvrir un alpage, dormir dans un refuge et retourner les pierres dans un ruisseau ? En d'autres termes, peut-être que le lapin fait une fixette sur le fait de devenir le meilleur alpiniste de la région, alors qu'en réalité, il aspire au grand air et pourrait tout autant commencer par accepter de devenir surfeur, hé oui.

Partie 3 : La découverte des refuges et des pâturages

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En devenant surfeur, le lapin pourrait se muscler les bras, profiter du grand air, aiguiser sa spontanéité, et se servir ainsi de ces nouvelles compétences pour grimper ensuite au refuge numéro 1. Plus tard, pourquoi ne pas devenir berger, en profiter pour lire des tas de livres dans le refuge de la culture, puis guider un troupeau le long du ruisseau du management, et enfin les faire paître dans l'alpage de la créativité ? Le lapin ne le sait pas encore, mais en préférant la plaine Épanouissement au Mont Métier Passion, sa vie va changer.

Sans vraiment s'en rendre compte, 10 ans plus tard, petit lapin est non seulement heureux d'avoir pris ces nouvelles routes qui satisfont ses passions, mais il a désormais toutes les compétences nécessaires pour gravir le sommet. Finalement, au lieu de devenir alpiniste il préfèrera devenir photographe animalier, sa réelle passion cachée.


Épilogue

De retour chez lui après de longues et vertes années, le lapin aura appris que la passion ne doit pas être le but ultime d'une carrière, et que le Mont Métier Passion est bien souvent un leurre. En développant des talents pour nourrir cette passion, en la cultivant sur d'autres routes et en la faisant grandir par tous les moyens possibles alors, seulement et bien plus sûrement, le lapin est parvenu à faire de sa passion son métier.


Rédaction : Tiphaine Guillermou


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3 commentaires :

  1. MÖC :

    Article tout mignon et très juste. :) merci pour cette vision toute fraiche du lourd et long parcours du créatif.
    Bon, je suis graphic designer et photographe, donc non seulement j’ai la chance de vivre de ma passion mais aussi de varier les plaisirs. Mais c’est peut etre aussi parce que je suis né dans les années 70.
    Aujourd’hui, je pense qu’on est dans les extrêmes: soit on sait vraiment ce qu’on veut faire, très vite, et on se surspécialise (et si on est bon, on viendra toujours nous chercher pour ça) quitte à se dégouter un peu de cette passion transformée en « grimage des alpages » de forcené.
    Soit on décide, comme la vision donnée ici, de se laisser aller à un « Serendipity » (comme disent les Indiens) salutaire, à savoir, à multiplier les pistes, apprécier le chemin plutot que la destination, se laisser surprendre par le hasard des rencontres, des découvertes, repérer les bons spots, multiplier aussi les contacts, agrandir son réseau mais tout en gardant quand meme en tete qu’un jour il faudra bien savoir comment utiliser tout ça. Mais plus que jamais, l’expression « faire carrière » pour la nouvelle génération Y V2, ça veut plus rien dire. Restons donc polyvalents ou hyper spécialisés… mais en tous cas, la clé du succès reste inchangée: aimer ce qu’on fait et du coup, bien le faire..

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