Codex Seraphinianus : Le livre le plus étrange du monde

06 janvier 2014  |   9 Commentaires   |    |  

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Nous sommes lundi matin. Tout est terriblement normal. Pourtant, il est encore possible de découvrir des choses hors de la norme, et l'effet est énorme.
Certains considèrent ce livre comme le plus étrange jamais paru. Un livre d'art unique, superbe, déroutant... et surtout indescriptible !

Le Codex Seraphinianus, de l’artiste-architecte italien Luigi Serafini, est un voyage en terre inconnue, sur fond de science-fiction, une encyclopédie fantasque, certains diront extra-terrestre. Dans cet univers, même l'alphabet n'est pas descriptible, encore moins décryptable.

C'est en 1981 que le Codex Seraphinianus est publié pour la première fois en deux volumes. Les illustrations de cet article sont tirées de l’édition de 1983 publiée aux Éditions Abbeville, en 370 pages. Il existe également une édition en un seul volume de 1993 et une édition italienne revue par l'auteur et comportant de nouvelles illustrations, de 2006. Quand les premières éditions se négocient entre 400 et 600 €, l'édition la plus récente pourra se trouver d'occasion à partir de 200/300€.

Le Codex Seraphinianus est conçu comme une encyclopédie sur un univers extra-terrestre, qui est manifestement le reflet absurde de notre propre monde. Il est composé en chapitres décrivant tour à tour la faune, la flore, les sciences, les architectures, les machines, les jeux, les habitants, les mœurs...

Les fleurs flottent, les bananes sont rempiles de médicaments, les voitures couvertes de mouches et autant d'êtres étrangement démembrés ou affublés de costumes étranges ou merveilleux.

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luigi serafini codex seraphinianus

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Le mystère

Le mystère vient-il des illustrations fantasques ou bien du codage parfait de cette écriture ?
Des artistes se sont penchés sur les illustrations, des philosophes ont tenté de se percer l'énigme de son sens profond, et quelques irréductibles linguistes ou mathématiciens ont tenté (en vain) de déchiffrer le texte. La seule certitude, les fans de science-fiction ne jurent que par lui !

Pourtant tous les ingrédients du mystère sont là !

Par exemple, l'édition de 1991 présente un couple s'unissant et se transformant en crocodile. Shakespeare n'a-t-il pas décrit l'union charnelle, l'acte sexuel comme "la bête à deux dos" ?

Lugi Serafini, qui es-tu ?

C'est un italien, né en 1949, architecte de formation et de métier, il a touché à tous les domaines d'expression : dessin, sculpture, peinture, et peut-être l'écriture... encore faut-il pouvoir le comprendre !

Peu d'informations cependant circulent sur lui. C'est à travers un récent article publié sur le site de Wired Italie que nous avons trouvé le plus de détails sur son parcours.

Sa vie l'a amené à rentrer en contact avec de nombreux acteurs de la culture internationale. À l'époque de la publication de ce livre, Roland Barthes s'était proposé d'en écrire l'introduction, mais sa mort prématurée l'a fait se rabattre sur Italo Calvino, loin d'être un minable remplaçant ! Fellini était aussi un admirateur du texte mystérieux et de son auteur à qui il a proposé de concevoir une brochure pour faire connaître son dernier film "La Voix de la Lune".

Luigi Serafini fait partie d'une génération qui, après les horreurs de la Seconde Guerre, en niant ce qu'avaient fait leurs parents, a eu un énorme désir d'apprendre. Avant de faire le Codex, il a traversé l'Amérique à travers un réseau d'amis, dans cette contre-culture que Kerouac a si bien raconté.

Dès lors, on pense qu'il a dû prendre pas mal de drogue pour réaliser une œuvre aussi étrange. Il ne cache pas avoir essayé la mescaline, une drogue fortement hallucinogène, ce qui est fort pratique pour élargir ses horizons. À l'époque la législation américaine tolérait son usage religieux par certaines communautés indiennes. S’il a bien essayé de l'utiliser pour travailler, cela n'avait pas grand résultats : "sous l'effet, vous êtes complètement aveugle, vous semblez faire des chefs-d'œuvre et quand vous redevenez sobre vous vous rendez compte que c'est plutôt médiocre. Cette expérience de la mescaline était importante mais certainement pas utile dans la production. La créativité est un exercice quotidien qui est aussi basé sur les plus petites choses : un jeu de mots, mais nous devons être là avec votre tête et il n'y a pas de raccourcis !

Le travail sur le Codex a duré presque 4 ans. Pendant ce temps, il faisait d'autres choses pour vivre, en particulier les dessins d'architecture, sa formation initiale.

codex

Qu'est-ce qu'un codex ?

Un peu d'histoire au passage. Avant le codex, on avait connu bon nombre de support à l'écriture... tablette d'argile, papyrus, marbre, et le grand standard jusqu'au moyen-âge le volumen, une bande de papyrus ou de peau de mouton enroulée entre deux tiges. Mais dès les 3e siècle, le codex apparait.

Le codex est un mot latin qui désigne le livre formé de feuilles pliées et assemblées en cahiers, et couvert d'une reliure tel que nous le connaissons. Il vient du mot caudex qui se réfère à la matière "bois" du tronc d'arbre ou de la souche. Plus tard, le terme est employé pour les livres en papyrus ou en parchemin utilisant ce format.

Le codex ainsi formé contient beaucoup plus de textes que le rouleau antique (volumen), peu à peu abandonné. Cette mutation, qui bouleverse les habitudes d’écriture et de lecture, prend plusieurs siècles. Le codex s’impose vraiment au IVe siècle dans l’Occident latin et au Ve siècle dans l’Empire byzantin.

La principale évolution introduite par le codex étant la notion de « page ». Son adoption dans la chrétienté est d'autant plus marquée que, support de la Bible, le codex permet de se différencier des rouleaux sur lesquels les juifs écrivent la Torah.

Par extension, le terme codex a été employé pour des recueils de lois (comme le Codex Theodosianus) d'où le nom de "Code" employé aujourd'hui, le Codex de la route, codex civil...

Mais outre la grande histoire du codex, il y a au XVIIIe siècle, un aspect qui nous intéresse. À cette époque-là, on nomme "codex" le recueil des formules pharmaceutiques approuvées par la Faculté de Médecine. Bref, un livre qui contient tous les secrets... un livre précieux et mystérieux... comme le Codex Seraphinianus !

codex luigi serafini codex seraphinianus

Décodons ce Codex

Dans le chapitre présentant l’écriture et la parole se trouve une pierre de Rosette qui répertorie non pas le grec, le démotique et les hiéroglyphes, mais deux langues imaginaires : celle du Codex Seraphinianus et une nouvelle également inventée par Luigi Serafini.
Et pourtant, malgré l’homogénéité du livre, Luigi Serafini a laissé une brèche dans deux pages contiguës du livre, peut être une clef pour comprendre son intention : il s’agit d’un homme allongé dont l’encrier a laissé s’échapper des mots écrits non pas dans la langue originelle de l’auteur, mais en français : « fille orgiaque surgie et devinée, le premier jour sur la digue de Balbec ». Les proustiens auront sans doute reconnu la description d’Albertine (Albertine disparue). Par contre, le texte décrivant les deux scènes est écrit dans le même alphabet imaginaire qu’ailleurs dans le livre. Il s’agit de la seule exception dans tout le Codex. Il faut avouer que la signification de cette exception scripturale vous échappera autant qu'à moi !

Personne (sauf Serafini j'imagine) ne sait ce que ce texte signifie, et l'auteur est méfiant. En 2009, il explique à demi-mot lors d'une conférence : "ce livre vous donne un sentiment d'analphabétisme qui, à son tour, encourage l'imagination, un peu comme les enfants qui se plaisent à imaginer une histoire en tenant un livre à l'envers. Ils ne peuvent pas encore lire, mais ils se rendent compte que cet objet doit faire sens et d'imaginer ce que sa signification doit être."

Tout ceci n'empêche pas quelques irréductibles fous, encore plus fous que Luigi, d'essayer de casser le code. Par exemple un linguiste bulgare, Ivan Derzhanski, a percé le mystère de la numérotation il y a quelques années. En ce qui concerne l'écriture, M. Derzhanski déclare "cette écriture est composée de plusieurs dizaines de formes différentes, beaucoup trop pour le système d'écriture comme un alphabet, et il ya trop de mots longs pour qu'il soit un syllabaire. Certaines formes se produisent de très nombreuses fois, d'autres seulement une ou deux fois".

Un autre fou, James M. Duyer, prétend avoir percé le mystère du codex. Mais, je dois avouer n'avoir pas fait une thèse en linguistique et mathématique suffisamment poussée pour pouvoir prétendre suivre son raisonnement ! Voilà ce que cela donne :

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Quelques images...

luigi serafini codex seraphinianus

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Un livre qui inspire les artistes

Cet ouvrage, bien que vieux de plus de trente ans a inspiré et inspire encore de nombreux créateurs. Par exemple, le chorégraphe Philipe Découflé s'en est inspiré pour créer sa trilogie Codex, Decodex, Tricodex, mettant en danse la folie de Serafini !

À vous de vous faire une idée !

Voici une version complète du codex disponible sur Issuu.
Bonne plongée dans la folie !


Manuscrit de Voynich

Le manuscrit de Voynich

Impossible de parle du Codex Codex Seraphinianus sans parler du manuscript de Voynich. Vieux de 600 ans, ce manuscript, restait jusque là  un des plus grands mystères de la cryptologie. Il aurait été rédigé en Europe centrale dans les années 1500 dans une écriture indéchiffrable, et cela malgré les nombreuses tentatives des cryptographes. La nature exacte de ce document, sa destination et son auteur restent une énigme : peut-être s'agit-il d'un herbier, d'un traité d'alchimie, d'une œuvre ésotérique, voire simplement d'une mystification ? Cette ambiguïté a contribué à en faire sa légende.

Il semble que son mystère soit en passe d'être percé en ayant recours à l'intelligence artificielle. Nous vous invitons à lire cet passionnant article : https://www.nationalgeographic.fr/sciences/le-mysterieux-manuscrit-de-voynich-aurait-il-ete-decrypte 

Manuscrit de Voynich


Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Codex_Seraphinianus
http://www.paleoaliens.com/event/seraphinianus/codex/
http://classes.bnf.fr/livre/arret/histoire-du-livre/premiers-supports/07.htm
http://www.luigiserafini.com


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9 commentaires :

  1. Ctetreault :

    Les deux
    Portes ouvertes à l’imagination

  2. Farid Laggoune :

    Ce Codex renferme des dessins qui sont la somme d’autres dessins défini à l’oblique. Il repose sur un système d’imbrication optique (1,6) tel que celui découvert récemment (mais ignoré) pour le Rongo Rongo, le manuscrit de Voynich ou encore tout autres système hiéroglyphique. Ce sont des illusions d’optique qui ne sont que le résultat stoppé d’une rotation qui renferme des superpositions Parabolique. (Farid Laggoune Facebook Live Démo)

  3. Irish Binns :

    Hello everyone, it’s my first visit at this site, and post is genuinely fruitful in favor of me, keep up posting such posts.

  4. Aperdin :

    Bonjour,

    Merci pour ce descriptif, je trouve étrange que ce codex soit indéchiffrable alors qu’il est très récent.
    En réalité, il est amplement déchiffrable.

    A bientôt,

  5. GARCIA Jeanine :

    Jamais entendu parlé avant de lire cet article..
    Il ne faut pas mourir « idiot »..

  6. amit ghosh :

    very nice.

  7. Voici l’explication précise de la bête à deux dos, trouvée dans « La puce à l’oreille », d’un certain C. Duneton, un ouvrage qui recense les expressions populaires et leurs origines…

    Parmi toutes les façons anciennes de désigner plus ou moins gaillardement d’acte sexuel, la bête à deux dos est certainement une des plus constantes. A peine un euphémisme, qui évoque à mon avis, non pas tant la bestialité de la chose qu’une idée d’ »union » très intime, et de bonne santé, et surtout la surprise de celui qui par inadvertance découvre la scène, au coin d’un bois ou au détour d’une haie vive!

    Au XVI siècle, Rabelais qui aime aussi l’idée de « frotter son lard », présente ainsi la lune de miel de Grantgouzier, père de Gargantua: « En son eage virile, espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaille, belle gouge et bonne troigne; et faisoient eulx deux souvent ensemble la beste à deux douz, joieussement se frotans leur lard, tant qu’elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme mois » (Gargantua, chap.3)

    Au début du XVII siècle l’expression s’écrivait encore couramment. Dans Les Caquets de l’accouchée deux maris trompés « entrèrent à l’hostellerie où se passaient les affaires, et d’une chambre proche, qu’une simple cloison séparoit de la leur, ils entendirent faire la feste à la façon de la bête à deux dos ».

    Puis le siècle entra dans des voluptés plus chafouines: ce furent les feux, les flammes, les ardeurs, les coeurs saignants, la boucherie… On joua officiellement la passion de sainte nitouche. La bête à deux dos n’entre plus dans les salons, elle voyagea désormais dans les chemins creux. Plus tard Littré ne l’indique ni à bête ni à dos. Il cite cependant Coquillart: « Jehanne fait la bête à deux dos », sans aucun commentaire.

    Bien qu’assez désuète aujourd’hui, l’expression est encore comprise – c’est la force des images: « Les tenants de la morale naturelle en amour sont des inconscients ou des sauvages. Ou c’est l’enfer, ou la saillie saisonnière, la bête à deux dos ponctuellement procréante ».

    (J.-L. Bory, Ma moitié d’orange, 1973.)

    Pour les amateurs de Brassens : « Le seul reproche, au demeurant, qu’aient pu mériter mes parents, c’est d’avoir pas joué plus tôt le jeu de la bête à deux dos » (Le Moyenâgeux)

  8. « Le seul reproche, au demeurant, qu’aient pu mériter mes parents, c’est d’avoir pas joué plus tôt le jeu de la bête à deux dos » (G. Brassens)

  9. Shakespeare ?
    J’aurais dit Rabelais…

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