ADN et marketing publicitaire

04 juin 2015  |   1 Commentaires   |    |  

Tout commence au pays du soleil levant...

...enfin, pas forcement tout, mais au moins cet article et cette réflexion sur le lien entre génétique et marketing. En découvrant la campagne de communication honk-kongaise ci-dessous, notre première lecture fut "Whaoo... c'est cool comme campagne". C'est seulement en deuxième lecture que tout un tas de questions éthiques sont apparues... comme quoi il faut toujours se méfier d'une bonne pub.

La "petite-suisse-asiatique"... n'est pas aussi verte que la "suisse".

Il parait qu'il ne fait pas bong de se promener en tong en Hong-Kong. ( ...admirez ces altérations en "-ong" au passage ). C'est l'une des villes les plus polluées au monde, dans les airs comme dans les rues. Si niveau "paradis fiscal" ont parle de petite-suisse-asiatique, niveau environnement le parallèle est loin d'être aussi vrai. Afin de sensibiliser les habitants à la pollution, l’agence Ogilvy & Mather ainsi que les organisations Hong-Kong Clean Up, Ecozine et The Nature Conservancy ont mis en place une campagne aussi étonnante que flippante.

Pour stigmatiser les pollueurs, ils ont sorti la grosse armada scientifique. Dans les quartiers les plus pollués, des équipes ont récolté mégots de cigarettes et autres chewing-gums, puis mené l'enquête pour récupérer les traces d'ADN qui allaient les mener à l'établissement de portraits-robots des pollueurs.

C'est la société américaine Parabon Nanolabs, spécialisée dans l'étude de l'ADN à des fins thérapeutiques qui a mené l'enquête. L'analyse de ces échantillons a permis de créer une représentation visuelle des coupables ayant abandonné leurs déchets. Ces données, combinées à d'autres facteurs démographiques, ont permis de déterminer l'âge approximatif des individus. Les portraits ont ensuite été affichés en ville sur des panneaux publicitaires et diffusés sur Internet avec une vidéo avertissant la population.

Le but est avant tout de sensibiliser ces individus à l’écoresponsabilité afin qu’ils puissent prendre conscience de leurs gestes et des enjeux pour la planète.

Éthique et marketing génétique...

Si c'est l'un des premiers exemples d'utilisation d'analyse ADN en matière publicitaire, que la cause soit évidemment légitime, cela soulève tout de même quelques inquiétudes. Il ne faudrait pas que "nos marketeurs favoris" prennent trop goût au séquençage d'ADN, et qu'à l'avenir notre intimité génétique soit le Graal du profilage publicitaire. Vous savez cette intimité génétique qui intéressera votre assureur pour éviter de vous assurer en cas de risque de cancer-pré-déterminé.

Commençons par un petit aspect juridique. Un déchet sur la voie publique implique que son ancien propriétaire a renoncé à son droit de propriété. En jargon juridique, un déchet devient res derelictae ce qui signifie qu’elle est volontairement abandonnée à la première personne qui s’intéressera à son contenu ou qui voudra en prendre possession, comme c’est habituellement le cas des encombrants, des ordures ménagères. Dès lors, nos traces d'ADN sur le mégot de cigarette ne nous appartiennent plus. N'allez pas penser dans cette situation que je vais prôner l'usage de la cigarette électronique afin de vous éviter un séquençage génétique sauvage !

[ Revenons à nos moutons, nos marketeurs et nos séquenceurs... ]

À vrai dire, cette crainte de voir quelques savants-fous-apprentis-généticiens intégrer les équipes marketing n'est pas nouvelle. On en parle depuis une petite décennie. Il a fallu 13 ans, de 1990 à 2003, et 3 milliards de dollars pour décrypter les 3 millions de paires de nucléotides, les "lettres" qui composent l'ADN humain. Aujourd'hui, les machines les plus performantes permettent de réaliser la même opération en quelques heures et pour moins de 1 000 dollars, et certains annoncent des prix de 200 à 300 dollars pour bientôt, et quelques dollars pour juste après-bientôt. Dès lors, pourquoi se priver de millions de kilo-octets d'une information la plus précise possible sur sa cible marketing ? Pour se dépêcher de lui vendre un "peace-maker-plaqué-or" avant qu'il ne déclare ses problèmes cardiaques ?

"Futur flippant" sort de ce corps !
Les élèves de Socrate aimaient à lui demander si la vertu est ou non susceptible d'être enseignée. Moi je propose d'inscrire "Socrate" au programme des écoles de commerce.

L'ADN et le marketing

« ADN de marque » : qui n’a jamais entendu, voire employé cette expression ? ( je fais mon mea-culpa ! ). C’est le péché mignon des praticiens des sciences molles comme le marketing qui jalousent ouvertement les sciences dites dures et pillent leur jargon pour crédibiliser leur propre discipline. Les marketeurs y puisent des mots, des concepts qui simplifient le complexe, l’incertain. Alors pour faire sérieux le marketeur répète à tire-larigot ces 3 lettres magiques... ADN...ADN...ADN..

Pourtant la définition scientifique de l’ADN ne colle véritablement aux besoins du marketing en matière de différenciation et de singularité. La molécule chimique d'ADN est à 99,5% identique d’un individu à un autre, seul 0,5 % du « code » change. On est donc bien loin de l'élément différenciateur censé renfermer en un condensé unique toute la singularité d'une marque par rapport à ses concurrentes.

Les savants-fous-des-sciences-dures ont donc de bonnes raisons de se moquer des savants-fous-des-sciences-molles-du-marketing , et nous de bonnes raisons de passer à la cigarette électronique pour s'éviter un profilage à notre insu.


Partager cet article :


1 commentaire :

  1. maktoc :

    Le pays du soleil levant c’est le Japon, mais bon c’est un détail, hein ?

Laisser un commentaire






Newsletter
Laissez-nous votre email et recevez votre dose mensuelle de Graphéine dans votre boite mail.