La résonance visuospatiale
Le phénomène visuel derrière les images hybrides se nomme la "résonance visuospatiale". Nous sommes dans le champ des neurosciences, et les premières découvertes remontent aux années 1970. La question était de comprendre comment le cerveau analyse une image.
D'un côté il y a les stimuli visuels fournis par les yeux, et de l'autre il y a la mémoire de l'observateur. Concrètement tout se passe en moins de 0,1 seconde. Pourtant c'est un processus de comparaison itératif relativement laborieux, qui commence par une vision grossière puis détail après détail va pouvoir arriver à l'interprétation précise de l'objet regardé.
Évidemment, une vue de qualité sera un gros avantage. Je peux vous garantir que sans lunettes, vous ne reconnaitrez pas grand-chose en moins de 0,15 sec. Pour qualifier la netteté de l'image, on parle de fréquence. Les images à haute fréquence seront des images avec des contours très nets, avec peu de détails. Nous les voyons très bien de près, mais passé quelques mètres, elles disparaissent à nos yeux. À l'inverse les images à basse fréquence sembleront floues de près, mais nettes de loin. C'est en combinant ces deux images (cf : résonance) que l'on peut produire ces fameuses images hybrides.
Mais pourquoi l'œil fonctionne-t-il ainsi ? Moi qui pensais que notre cerveau était un feignant, pourquoi s'occupe-t-il de regarder deux aires visuospatiales à la fois ? Il n’aurait pas pu trouver une façon plus économique ?
L'œil : "Allo cerveau je t'envoie une photo HD, je ne sais pas ce que c'est, mais débrouille-toi..."
Le cerveau : "Ok, attends 30 secs, ça download..."
L'œil : "Vas-y dépêche toi ! C'est peut-être un tigre !"
Le cerveau : "Hey doucement, je suis encore en 56kpbs... OK, c'est bon, c'est un chat !"
Vous l'aurez compris, ce dialogue n'est que pure fiction, et toute ressemblance avec une scène ayant déjà existé ne serait que fortuite. Mais il y a beaucoup de vrai dans cet échange. En fait si toute l'information devait passer d'un coup entre l'œil et le cerveau, nous aurions de gros problèmes de saturation cognitive. Pour cela, la nature nous a dotés de deux canaux de réception, chacun doté d'un débit différent.
C'est là que les itérations commencent. Les basses fréquences sont envoyées très rapidement au cerveau, pour obtenir un premier feedback. Cette information visuelle "grossière" permettrait une première reconnaissance de l'information. Vous pouvez vous-même expérimenter ces "basses fréquences", puisque ce sont les zones "floues" sur les bords de notre champ de vision. Quand le tigre entre subrepticement dans votre salon, qu'il arrive sournoisement entre la télé et le canapé alors que vous étiez concentré à lire cet article, ce sont les basses fréquences qui vont vous sauver la vie, avant même que vous ayez vu que c'était un chat. À ce moment-là, le chronomètre est environ à 0,08 sec.
Le cerveau : "Vas-y lève la tête, je ne suis pas certain que la tache rousse qui bouge ne soit pas un tigre ! J'aimerais vérifier."
À cet instant, le cerveau peut alors demander à l'œil de regarder plus précisément. L'ensemble du corps est en alerte. Ce sont les hautes fréquences qui vont entrer en jeu afin de confirmer ou rejeter la reconnaissance grossière de l'image.
Le cerveau : "On peut arrêter le chronomètre ? j'aimerais connaitre ma performance ?"
Aucun danger à craindre, il s'agissait d'un chat. Le chronomètre indique 0,15 sec.
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