La récente disparition du graphiste australien Martin Sharp (1942-2013), nous invite à continuer notre série d'articles sur les grands noms du design graphique. Voici donc un bref portrait d'un designer graphique sous LSD...
Quand certains voulaient faire la révolution avec leur voix ou leur guitare, lui s'armait de ses crayons et de ses pinceaux. On était au début des années 60, et Kennedy n'était pas encore un aéroport. C'est au coeur de ces années "Beatniks" que ce jeune graphiste-illustrateur australien créa le sulfureux magazine "Oz" avec Richard Neville et Richard Walsh. Les articles abordaient sans tabous des thèmes comme les drogues, l'homosexualité, la brutalité policière, l'avortement, le racisme ou la guerre du Vietnam. Les trois collaborateurs seront invités à faire un tour par la case prison, suite à la publication d'une couverture jugée obscène.
Suite à cette période australienne, Sharp s'exile à Londres avec l'un de ses camarades. Il a alors 25 ans.
Ensemble, ils poursuivent leur aventure avec le magazine "London Oz". La ligne éditoriale reste sensiblement la même et la censure les rattrape avec un nouveau procès en 1971 pour « tentative de corruption de la morale publique ». Des peines de prison furent là encore prononcées, avant d'être annulées en appel. En revanche, le magazine ne s'en remit pas tout à fait, et le numéro de novembre 1973 fut le dernier.
En parallèle de la maquette du magazine, Martin Sharp réalise de nombreuses pochettes de disques pour des artistes rock de cette époque. Il a par exemple conçu la pochette du fameux disque Disraeli Gears de Cream, le groupe d'Éric Clapton, dont il a même été le colocataire à Chelsea... Il réalise aussi de nombreux collages et peintures, tels ceux mettant en scène Bob Dylan ou Jimi Hendrix ou Mick Jagger dans des univers hallucinés, mêlant couleurs fluorescentes, trip sous acide et références vicelardes aux Beaux-Arts.
Sa pochette pour l'album "Wheels of Fire" de Cream, sera élue meilleure pochette de l'année par le New York Art Directors Prize en 1969.
Après un bref séjour en Australie, Sharp revient à Londres en 1972. Il poursuit ses recherches de collages en imaginant un ouvrage miniature, d'environ 8x8cm composé de 36 collages en couleurs découpées dans les pages des livres d'art, réunissant les travaux de Magritte et Van Gogh, Matisse et Magritte, Botticelli et Picasso dans des images poétiques.
"Je n'ai jamais hésité à découper les œuvres si j'avais une bonne idée. Pour moi, ces œuvres valaient le prix d'un livre. C'est ainsi que je pouvais mélanger un personnage de Gauguin dans un paysage de Van Gogh, et ainsi raconter une nouvelle histoire..."
Après être rentré en Australie en 1973, l’artiste continue à dédier son art à la faveur du mouvement de contre-culture lié aux années 60. Il crée alors la Yellow House à Sidney, demeure alternative où les artistes visuels, apprentis cinéastes ou performeurs sont les bienvenus. Martin Sharp est décédé le dimanche 1 décembre 2013 dans sa demeure de Sydney à l’âge de 71 ans.
Que le flower power fleurisse sa tombe.
Sources : Les images et les textes de cet article sont présentés à but pédagogique.
D'autres grands noms du design graphique :
- JOSEF MÜLLER-BROCKMANN, « SWISS STYLE », 1914/1996
- FRANCO GRIGNANI, « GRAFICA CINETICA »,1914/1996
- ROLF RAPPAZ, « C’EST DE LA BÂLE », 1914/1996
- ROGER EXCOFFON, «COUP DE MISTRAL», 1910/1983
- ALEXANDER GIRARD, «THE COLOR-FOOL», 1907/1993
- EDWARD BAWDEN, «GREAT ILLUSTRATION FROM GREAT BRITAIN» 1903/1989
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