Cette longue vidéo (Louis Dufay, La Couleur et l’Héliophore) explique également tout le processus de création de l'héliophore et la vie de Louis Dufay.
La technologie passée du futur
Le procédé sera notamment beaucoup utilisé dans les années 60-70, baignant dans les courants d’art cinétique, d’opt art, ou de psychédélisme. Par des jeux de lumière ou le déplacement de la feuille imprimée, se créent des motifs envoûtants et futuristes. Un système d’ampoules cachées clignotant le long du motif permettent de lui donner vie, et la publicité l’adore. C’est un support idéal pour l’époque tournée vers la consommation, la conquête de l’espace et l’art avant-gardiste. Les grands magasins parisiens l’utilisent ainsi dans toutes leurs vitrines de Noël au début des années 60, en témoigne cette photo extraite du film Louis Dufay, La Couleur et l’Héliophore.
La technologie est exportée aux États-Unis du début des années 70 et s’illustre sur les visuels de la Nasa, les dessins animés Looney Tunes, les festivals comme Woodstock…
Communication visuelle
En France la maison de disque Philips se sert de l’impression héliophore pour illustrer une série de disques de musique électroacoustique et bizarre, sous la collection « Prospective 21e siècle ». Les jaquettes de vinyles futuriste (qui nous apparaissent très rétro aujourd'hui) donnent le ton et propulsent l’auditeur dans un monde fictif et hypnotique, avant même d’avoir écouté les disques. L’héliophore permet ainsi, par un simple procédé graphique, de communiquer visuellement d’une manière très efficace.
Ailleurs et demain
Ce sont d’ailleurs ces jaquettes qui inspirent Gérard Klein, grand auteur et spécialiste de SF qui lance et dirige en 1969 la collection « Ailleurs & Demain » aux éditions Robert Laffont. Il peine alors à publier et faire reconnaître les chefs-d’œuvre de science-fiction. L'époque, d'abord enjouée pour la conquête de l'espace, est redevenue très terre à terre. Les récits de fictions sont perçus comme littérature distrayante mais non crédible et peu de maisons d'édition leur font bon accueil. Le rayon "fantastique" n'existe même plus dans les étals des librairies ! Gérard Klein a un rêve : " ce rêve, c'était de faire une collection différente, qui démontrerait à l'univers littéraire, l'un des plus coriaces et conservateurs que j'aie rencontrés, de l'armée à l'administration, que la Science-Fiction pouvait être une littérature à part entière, que certaines des œuvres au moins qui en ressortissaient pouvaient avoir l'apparence et la dignité de livres normaux. "
Robert Laffont lui fait alors confiance et lui laisse carte blanche. Les hommes allaient marcher sur la lune dans quelques mois, aucun ne le savait encore. Outre l'exigence du choix des titres à présenter, avec le plus d'auteurs français possible, " il fallait un vêtement approprié, sobre, esthétiquement durable et évitant les facilités de l'illustration folklorique “robots-et-fusées” " ; un habillage digne de ce nom, qui marque les esprits. Klein explique sa démarche dans cet article.
Sans faire appel cette fois à un dessinateur, il se base sur les variations proposées dans le catalogue de l’entreprise proposant la technologie héliophore. Klein, enjoué, précisera que « les variantes et variations résultent de la disposition des feuilles, parfois tête-bêche, et démontrent qu’un tel procédé, bien choisi et bien utilisé, est sans égal. (…) Héliophore ne disposait que d’un catalogue limité de thèmes correspondant à des matrices, et dont la plupart faisaient boîtes de chocolat. Je choisissais donc les meilleurs à mon goût en essayant parfois de les faire correspondre au thème général du libre. Ce n’est pas de l’aluminium « à emballer le poisson » (…) c’est de la haute technologie d’artisanat. »
Photo extraite de l'article sur l'héliophore des Guiral
Les mêmes thèmes seront déclinés en aluminium, en or, ou parfois en cuivre, clin d’œil clinquant à la technologie et l’astronautique : le futur. Dans les librairies, les couvertures cinétiques sautent aux yeux. À tel point qu’un libraire insulte même Laffont en disant qu’ils devraient avoir honte, car elles sont systématiquement volées !
Si les couvertures de livres et leurs visuels vous intéressent, nous leur avons consacré une série d'articles passionnants qui retrace leur histoire à travers les siècles.
L'enfer, c'est Romy
En plein âge d’or de l’art cinétique, on retrouvera également l’héliophore au cinéma, dans l’Enfer de Clouzot (1964, resté inachevé) dans lequel la réalité de l’époux de l’héroïne, Romy Schneider, est distordue en visions hallucinogènes pour illustrer sa jalousie paranoïaque et dévorante. Les reflets changeants donnent à l’actrice des reflets démoniaques et inquiétants.
En 2012, les producteurs du type de papier aluminium, spécialisés dans les opercules de yaourt notamment, infligent des minimum de commandes impossibles à honorer pour la société Imprim’Hélio. Celle-ci arrête de commercialiser cette technologie. On la retrouve néanmoins en Angleterre sous le nom de Dufex prints (même si la technologie n'est pas exactement la même), et il semblerait qu'il soit possible aujourd'hui d'obtenir dés résultats assez proche de l'héliophore français, comme l'a fait le studio Fraser Muggeridge en 2016.
On espère un jour revoir l'héliophore briller de toute sa splendeur, et l'on peut, en attendant, se ruer vers ces quelques livres, vinyles et autres objets désormais collector.
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