À la découverte de la photographie couleur

16 juillet 2020  |   0 Commentaires   |    |  

À l’aube du XIXe siècle, siècle rempli de promesses avec l’essor de la 2e révolution industrielle, l'invention du procédé de photographie couleur est un véritable Eldorado. Les frères Lumière ont comme principal « concurrent » un certain Louis Dufay qui a bel et bien marqué l’histoire de la couleur et de l'impression, bien que peu de gens s’en souviennent.

Pionniers de la photographie couleur

De nombreux chercheurs les avaient bien sûr précédés dans cette course folle lancée depuis 2 siècles. Newton en 1666 affirmait que la lumière se décomposait en spectre de plusieurs couleurs, et à sa suite Maxwell en 1861 proposait un premier cliché en s’appuyant sur la théorie de la vision trichromatique de Thomas Young démontrant que les 3 couleurs primaires permettent de recomposer les couleurs. Plus tard en 1896, on inventera par exemple en France le procédé de teintage de gélatine, amélioré notamment par les films Pathé vers 1926. D’autres procédés manuels de photographie couleur furent mis au point, comme le virage (impliquant une réaction chimique avec une émulsion et une plaque d’argent), la coloration manuelle ou le pochoir Pathécolor, qui prenaient énormément de temps et variaient d’une image à l’autre, mais furent beaucoup utilisés pour les premiers films couleur.

Parce que l'on trouve ça magnifique et passionnant, voici quelques exemples de techniques développées pour créer des photographies couleur.

On peut voir par exemple des teintures issues de Pathé (1926). Les visuels ci-dessous sont tirés du fantastique site filmcolors.org qui recense l'évolution de la photo et du cinéma couleur. On utilisait des teintures chimiques qui venaient se fixer à la gélatine de la pellicule argentique lorsqu'on les trempait dans des bains à l'acide. Cela donnait différent tons qui donnaient une ambiance particulière aux images. On utilisait ainsi du vert pour les scènes en extérieur, du bleu pour les scènes maritimes etc.

teinture-photographie-couleur

teintage-pathe

Ici, quelques teintures et virage (toner). Les bandes de droite proviennent d'une expédition au pôle Nord de 1923. Le virage impliquait une réaction chimique convertissant l'image argentique grâce à des composés métalliques colorés, comme le ferrocyanure de fer (bleu de Prusse) pour le bleu, ou deu ferrocyanure de cuivre pour le rouge/brun. On utilisait parfois les procédés de teinture et de ton ensemble.

teintage-virage

On voit ci-dessous les irisations de la pellicule de la photo du navire, liées aux composés métalliques du virage :

toning

L'une des méthodes privilégiée pour la photographie couleur était enfin la coloration manuelle, dès 1895. Ce procédé hérité des lanternes magiques était beaucoup utilisé dans les animations de l'époque, comme ici la danse papillon d'Annabelle (1897). Dessous, des extraits de La poule aux œufs d'or, en pochoir coloré (1905), et l'Excursion dans la lune de 1908.

photographie-couleur-animee

coloration-manuelle

Voir la vie en autochrome

En 1907, après 7 ans de recherche, Louis Lumière met sur pied l’Autochrome, plaques et papier photographiques « permettant l’obtention directe de la photographie des objets avec leurs couleurs ». Ce fut le premier dispositif à toucher le public. Facile d’utilisation mais coûteux, il resta sur le marché jusqu’en 1930. Le procédé utilisait de la fécule de pomme de terre teintée des 3 couleurs primaires et dispersée aléatoirement sur une plaque photosensible. Ce côté aléatoire donnait lui-aussi un rendu aléatoire du couchage des couleurs. 12 ans avant, en 1895, les frères Lumières avaient inventé le cinématographe (en noir et blanc), appareil projetant des images sur un écran, donnant ainsi vie au cinéma. Voici quelques clichés pris avec l'autochrome autour des années 20.

Dufaycolor y voit plus net

Un an après, Louis Dufay dépose le brevet de la plaque dioptichrome, qu’il développera dans les années 30 sous le nom de Dufaycolor, ou Versicolor. La plaque dioptichrome permet un rendu de couleurs très fidèle, grâce à une trame complexe de plusieurs lignes de couleurs primaires et mélangées (rouge, bleu, vert, bleu-violet et orange) entrelacées en réseau, sous forme de grille.

Un peu comme pour les affiches en quadrichromie du métro d’aujourd’hui, le résultat faisait illusion de loin ou en petit sur photo car la trame était extrêmement fine, mais on voyait apparaître les carrés de couleur en se rapprochant, un peu comme un tableau pointilliste. La trame était teintée sur la pellicule en plusieurs étapes, teintes après teintes, décolorées puis superposées en grille suivant des angles particuliers. Un processus extrêmement compliqué et long, mais efficace. Voici quelques clichés datant des années 40, dont 2 de Londres au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, ainsi qu'une publicité pour les pellicules Dufaycolor.

dufaycolor

dufaycolor-londres-45

dufaycolor

L’invention sera commercialisée dans les années 10, mais le marché est déjà malheureusement saturé par les frères Lumière et n'aura pas le succès attendu.

Sauvé par les anglais

La régularité de la trame, qui ne laissait aucune place au hasard, permettait cependant un bien meilleur rendu des couleurs pour les photographies mais également pour le cinématographe, qui faisait alors ses débuts dans le procédé de la couleur. Rappelons-le, le procédé -qui n’a pas franchement changé aujourd’hui- était une succession de plusieurs images projetées à la seconde, comme de multiples photographies. Dufay se lance alors dans cette brèche en espérant avoir plus de chance que dans la photographie.

L’avantage est que les trames sont directement incrustées dans les films des pellicules, et qu’il n’est pas nécessaire de s’équiper d’appareils spécialisés. Avec la projection, la trame n'est pas aussi fine et demande énormément de lumière, et cette technologie ne fait pas non plus mouche en France. Elle sera en revanche beaucoup plus utilisé par les anglais, qui rachètent le brevet. C'est le début de la gloire pour Dufay.

La Poste Britannique, la GPO, s’offre même un film publicitaire en Dufaycolor pour promouvoir ses services : « a colour box ». La General Post Office fait appel à l’artiste Len Lye, pionnier de la création de films couleurs, qui peint directement sur la pellicule. Le film (la publicité !) fait sensation à l'époque car il est en couleur, et accompagné d’une musique dynamique et dansante. Voici un combiné de 3 des œuvres de Len Lye :

Le Technicolor remportera ensuite le marché après la seconde Guerre, avec le succès qu'on lui connaît, et le Dufaycolor s’éteindra dans les années 50.

Tout ça pour préciser que Louis Dufay, notre cher français, inventera ensuite en 1930 un procédé d'impression unique donnant au papier un aspect animé : l'héliophore. Nous lui avons d'ailleurs consacré un article à lire sur le blog.

the-end


Partager cet article :


Laisser un commentaire






Newsletter
Laissez-nous votre email et recevez votre dose mensuelle de Graphéine dans votre boite mail.