Identité visuelle de Railfreight (1987)

26 mars 2018  |   1 Commentaires   |    |  

Design for Rail

Vers la fin des années 80, British Railla compagnie nationale des chemins de fers anglais revoit entiérement son identité visuelle (cf: le célèbre logo à deux flèches, on essaie de vous en reparler prochainement !). Comme souvent, il s'agit de redorer son image afin de traverser une mauvaise passe financière.

Nous sommes dans l'époque pré-privatisation du rail anglais. Et la compagnie nationale commence à séparer ses activités. La compagnie se divise alors en plusieurs sous-catégories en 1986 : InterCity (réseau ferroviaire de ville), Network SouthEast (réseau SudEst), Regional Railways (réseau ferroviaire régional), Railfreight (fret ferroviaire) et Parcels (colis). Pour mieux se différentier en tant qu'unités indépendantes, ces sections se parent d'identités visuelles propres.

Celle du fret ferroviaire fait mouche et se distingue par son univers à mille lieues du monde des rails huilés. Après le choc initial insufflé par cette identité moderne et vive, elle marquera longtemps les esprits et le paysage des transports ferroviaires britanniques, et en dissipera les souvenirs ternes. Au point de devenir les trains préférés des designers.

railfreit-identite

D'une part parce que le secteur du fret est loin d'être le plus glamour, et parce qu'il traversait à l'époque (c'est toujours le cas) des difficultés financières. Ces trains qui transportaient charbon, pétrole et autres marchandises faisaient plutôt profil bas et passaient inaperçus, parce qu'ils représentaient le côté obscur de la compagnie. C'est l'agence Roundel Design Group qui se charge en 1987 d'ajouter un peu de couleur à ces trains naturellement gris métallisés.

Le fret se sous-divise à nouveau en six catégories, un peu comme un royaume qui régnerait sur 6 principautés dont chacune porte un blason singulier : charbon, construction, distribution, général, métal, pétrole. De couleurs vives et géométriques, ces insignes faisaient plus penser à des armoiries qu'aux cocardes de l'aviation de la seconde guerre dont ils étaient censés s'inspirer. Néanmoins, on raconte que c'est l'insigne de l'aviation polonaise, avec ses carreaux rouges et blanc, qui inspire l'équipe de Roundel.

Le coin coloré dans l'angle gauche sert à la fois de flèche dans un élan positif, et permet de créer visuellement un F -pour Fret- avec les motifs du carré coloré en juxtaposition. D'une façon minimaliste à la manière d'un logotype, ces carrés représentent les caractéristiques des matériaux transportés. Dans l'ordre de gauche à droite, 1e ligne : général, distribution, charbon 2e ligne : pétrole, construction, métaux. On reconnait le noir et la forme du charbon, les vagues du pétrole liquide, les pliures du métal, ou les blocs de construction.

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L'effet blason donne un allure de chevaliers médiévaux à ces trains qui sillonnent le paysage. Territoire, identité, victoire : au-delà du fait que la marque n'apparaisse pas clairement sur les trains, ces symboles ne laissent personne indifférent.

Cette nouvelle identité à valu à Roundel une floppée de distinctions, de D&AD, The Financial Times ou la BBC. Mais seulement 7 ans après avoir été lancée, malgré un futur très prometteur, elle termine sa course au garage. 1993, la compagnie des rails anglais est privatisée et chaque entité abandonne son logo.

Il en reste un des rares projet de branding interessant des années 90's. Il faut dire que c'est une période méconnue qui ne demande probablement qu'à être redécouverte, même si elle a davantage laissé en héritage des expérimentations photoshop fantaisistes que des projets de branding minimalistes.

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L'interview de Bryan Edmondson (Ex-Roundel) 

En février 2018, une exposition à Londres est consacrée à cette identité visuelle mythique, avec pour matière les archives personnelles de Bryan Edmondson, un ancien collaborateur de l'Agence Roundel, aujourd'hui directeur de création et fondateur de l'agence SEA. Voici un petite interview de ce dernier : 

Comment l'exposition a-t-elle vu le jour ?
En 1992, fraichement diplômé, j'ai commencé ma carrière chez Roundel. A l'époque, j'étais très fier de travailler sur cette identité (lancée en 1987), surtout parce que notre travail s'affichait à côté d'une autre grande identité ferroviaire, celle du RES (Rail Express Systems). Par la suite, je suis toujours resté en contact avec les fondateurs de Roundel. La lecture d'un article sur les identités visuelles des compagnies de trains, m'a motivé pour monter cette exposition. 12 mois plus tard, nous inaugurions 'Design for Rail'.

De quoi se compose l'exposition ? Où avez vous pu retrouver ces archives ? 
L'exposition se s'organise autour d'archives de l'époque. Nous avons mis l'accent sur les documents imprimés tels que la charte graphique, les brochures, les calendriers, la signalisation et les icônes. J'avais personnellement quelques archives du projet, mais la plupart ont été prêtées par les fondateurs de chez Roundel avec le soutien du Musée National des Chemins de Fer. Nous avons également localisé et récupéré un panneau de dépôt de train existant du Hampshire - avec la permission de l'opérateur ferroviaire actuel !

L'équipe de l'époque de Roundel a-t-elle été impliquée dans l'exposition et si oui, de quelle manière?
L'équipe originelle composée de Mike Denny, John Bateson et Harold Batten ont tous soutenu l'exposition et aidé à raconter l'histoire de l'identité du fret ferroviaire (avec l'aide de l'écrivain Michael Evamy.) Ils ont localisé et prêté des articles d'imprimerie et quelques-unes des plaques de dépôt d'origine en métal tirés de leurs murs de cuisine ! J'ai également bénéficié de l'aimable aide des ex-fondateurs de l'agence Roundel, Darren Richardson et Chris Bradley, qui m'ont également prêté des objets rares et invisibles du projet et m'ont aidé à identifier certaines des pièces manquantes.

Quelles ont été vos découvertes les plus intéressantes ou inattendues durant le processus de recherche et au fur et à mesure que l'exposition s'est mise en place ?
Après avoir travaillé chez Roundel, je connaissais bien l'univers visuel du fret, mais quand nous avons contacté l'ex-équipe de Roundel il y avait de magnifiques documents imprimés, manuels d'habillage de locomotives, guides d'identité, planches de dépôt invisibles, ainsi qu'une collection de diapositives originales tirées de leurs reportages photo de l'époque, des images prises au milieu de la nuit sur divers ponts et dépôts à travers le pays.

Quelles sont, selon vous, les principales qualités de cette identité ?
La simplicité. Quand j'étudiais encore le graphisme à la fin des années 80, j'étais toujours attiré par les solutions les plus simples à concevoir, et c'est toujours le cas. L'équipe Roundel a toujours décrit ce système graphique  comme une référence aux marquages des escadrons d'avions, mais je considère que l'identité est conçue comme un code. L'habillage n'avait pas besoin du mot "fret ferroviaire", mais seulement d'un symbole pour identifier les différentes entités de transport - avec de la vitesse, une image est plus facile à lire que des mots. J'ai toujours considéré ce projet comme un projet de design moderniste et intemporel. L'identité n' a malheureusement duré que quelques années et, au milieu des années 1990, elle a commencé à disparaître en raison du changement de direction au sein de la British Rails. Je continue à voir cet ancien habillage à travers le Royaume-Uni quand je rends visite à des clients et cela me rappelle que les années 1980 avaient quelques rares exemples de design identitaire sobre et simple.

Quelques extraits de la charte graphique de 1987...

Quelques extraits du catalogue de l'exposition...

Crédits : www.designforrail.co.uk
Merci à Bryan Edmondson (www.seadesign.com) pour les images et l'interview.


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1 commentaire :

  1. Julie :

    bel article !

    Julie

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