Débrouillards et itinérants, les hobos développent un système de langage secret voué à disparaître, pour laisser des indications à leurs semblables.
Les Hobo Signs, inscriptions des vagabonds des routes
À la fin du XIXe aux États-Unis des vagabonds (hobos en anglais) sillonnent le territoire américain d'Est en Ouest, propulsés par l'expansion du rail et mués par la précarité, souvent contraints par les périodes de crise. Travailleurs sans domicile fixe, ils partent à la recherche d'emplois saisonniers fournis par l’agriculture et l’industrie naissante du capitalisme américain en sautant illégalement dans des trains. Les vagabonds n'étaient pas les bienvenus dans la plupart des villes et se faisaient régulièrement chasser par les policiers, ou extirper des trains. En 1911, on estime qu'il y avait 700 000 hobos aux États-Unis. Débrouillards et sans le sous, ils développent un système de langage inscrit à proximité des lieux de passage, voué à disparaître, pour informer leurs semblables des bonnes et mauvaises surprises qu'ils pourraient croiser sur la route, ou simplement pour marquer leur passage.
Le "vagabond A-N°1", auto proclamé "le plus connu des hobos", raconte ses péripéties dans son livre The ways of the hobo dans lequel il décrypte certains de ces signes. Il explique que les vagabonds sont "dans leurs relations gouvernés par des lois et des règles non écrites qu'ils respectent bien plus que les lois dictées par la "société" qu'ils qualifient d'agaçantes". On peut bien sûr douter de sa franchise, du moins du fait que ce soit une liste non exhaustive, étant donné que ces sigles sont censés rester secrets. On trouve des symboles qui signifient par exemple "si vous êtes malade, cette personne s'occupera de vous" ou "prison crado" (certains hobos en manque de nourriture passaient volontiers une nuit en prison pour être au chaud et avoir à manger).
Le chat ci-dessus à droite indique par exemple une "femme au bon cœur", les quatre triangles deux lignes plus bas conseillent de "raconter une histoire qui fasse pitié" et l'espèce de poule à gauche indique un téléphone. Ci-dessous en première ligne, on décrypte le "blase" complet d'un hobo : son nom "A-N°1", sa direction "est- ouest", la date de son voyage "25 août 1883". "x-lots" indique une direction et qu'il compte passer par les petites routes. Le 7 indique que le vagabond attend en ville la personne dont le nom est inscrit en-dessous de ladite inscription. En symbole 8, la police est facile à amadouer ou au contraire en 9, avec les yeux ouverts, les policiers sont ultra hostiles. En 10, un gardien de chemin de fer rode, mais c'est un "bon gars". En 11, il est ultra hostile. Les signes 12 à 14 s'inscrivent près des maisons; en 12, il indique des personnes au bon fond, en 13, des personnes qui ne donnent rien. Le 14 indique une vieille folle ou un vilain bouledogue, le 15 un homme énervé ou un chien méchant.
Les 16 à 19 indiquent la prison (avec la grille) propre avec des prisonniers bien nourris, ou qu'ils affament leurs prisonniers. La prison en 18 est pleine de vermine (on voit un rat), la croix indique qu'on y sera contaminé de maladies graves qui infectent tous les États-Unis. Les sigles 20 à 28 indiquent l'état de la ville. Le 20 dit qu'il y a une pile de cailloux (à casser), le 21 possède un hospice d'accueil, le 22 parle d'un saloon, la ville 23 ne sert pas d'alcool (prohibition), la ville 24 est pieuse, la 25 regorge de voyous, attention. Dans la ville indiquée en 26 on peut demander l'aumône ou du travail dans la rue, mais pas dans la 27. La ville indiquée en 28 est à fuir absolument. Les losanges du signe 29 sont combinés avec d'autres signes et indiquent les points cardinaux d'autres villes. Le 30 indique un détective à la trousse des hobos en ville. Le 31 indique qu'il est possible de passer la nuit au chaud dans la prison, et le 32 indique un chef de police hostile, à fuir.
Si les véritables signes du langage hobo sont probablement restés secrets pour ne pas faciliter les recherches de la police, ils ont évolué au fil du temps en simples "blases" posés d'abord près des camps de fortune puis directement sur les trains. Les graffitis des villes en sont les dignes héritiers !
Cette vidéo de la chaîne Vox en dit un peu plus :
Si ce genre d'écriture imagée vous intéresse, nous vous invitons à lire notre article sur les écritures pictographiques et visuelles, du sumérien au suprématisme russe en passant par l'isotype et les émojis. Ou encore celui sur les pasigraphies, ces écritures à vocation universalistes, inventées pour communiquer entre toutes les cultures et lisibles dans toutes les langues ! Et pour aller plus loin, vous pouvez découvrir notre article sur les écritures et revendications de rue, le branding des mouvements sociaux.
ça rappelle l’écriture dans l’Égypte ancienne…
Enseigne panneau led
D’où le nom donné au caractère typo Hobo…