Algeco, leader de la construction modulaire et client fidèle de Graphéine depuis les débuts de l'agence, nous a invité à partager notre vision de leur logo. Cet article est une version étoffée de celui paru le 19/01/21 sur le Mag Algeco dans le cadre de la « saga Algeco » qui revient sur l'histoire de la marque et dont l'épisode numéro 4 est dédié au logotype de l'entreprise. L'occasion d'analyser les raisons du succès d'une identité visuelle et de creuser les inspirations derrière ce logo algeco devenu culte.
D'ailleurs, commençons dès à présent les révélations par le nom "Algeco" qui est en réalité un acronyme ! C'est la contraction de « l'Alliance de Gestion Commerciale ». A ses débuts, la société exploite principalement des wagons-citernes qui transportent des matières premières. Ce sont les ancêtres du futur module de chantier Algeco.
Le logo Algeco® est l’héritier direct de l’esthétique géométrique universaliste du Bauhaus, la célèbre école d’architecture et d’arts appliqués allemande, fondée par Walter Gropius en 1919. Son style est minimaliste car « la forme doit suivre la fonction ». Le Bauhaus prônait un enseignement visant à démocratiser le design afin de le placer au cœur de la vie quotidienne pour la rendre plus simple, plus limpide. Ses étudiants s’appuyaient en outre sur les nouvelles méthodes de production industrielle permettant de produire en série.
Le logo Algeco® est avant tout un dessin… à dessein ! Son style s’inscrit au plus près des recherches typographiques avant-gardiste et rationaliste d’Herbert Bayer et Paul Renner, à travers sa typographie « Futura ». La forme de l’alphabet est passée au crible d’une grille méthodique de construction où chaque lettre est obtenue par l’agencement de formes de base, comme le cercle et le rectangle. Le logo est donc fortement imprégné d’un état d’esprit novateur et même « graphiquement révolutionnaire » à l’époque.
Il constitue un bloc typographique dont le style même du lettrage évoque le produit phare d’Algeco : le module préfabriqué de 15 m2. Élémentaire et basique comme une brique de Lego, il induit l’idée de jeux, de construction et de customisation.
De plus, évidemment, ce logo pas comme les autres véhicule une identité résolument modulaire, sur-mesure, bâtie avec précision à partir de plusieurs formes géométriques simples. Celles-ci sont combinées de façon à recréer toutes les lettres du nom de la marque. Et au sein de blocs solides, chaque lettre représente un module Algeco. Cela donne une esthétique « brute », en même temps « ludique » et « agile ». Ce caractère customisé n’appartient qu’à Algeco. Il retranscrit à la lettre et de façon immédiate ses valeurs. Là où Nike fait appel à son emblème « Swoosh » pour compléter son message de marque, Algeco dit tout via la « simple » mise en forme de son nom.
Mise en évidence du caractère modulaire du logotype Algeco®. En décomposant le vocabulaire de formes du lettrage, on découvre que la lettre «C» est le module de base pour le dessin de chaque lettre.
Une marque prouve sa valeur en traversant le temps. Nous abordions déjà ce phénomène avec le logo du "MoMA". C’est aussi le cas du logo Algeco® devenu « culte » au fil des décennies. Prenez la référence des références : le logotype de Coca-Cola. Je ne sais vous dire si je l’aime, ou s’il est particulièrement bien dessiné. Certes, son style n’est assurément pas contemporain. Mais là n’est pas l’enjeu du logotype. Là où Coca et Algeco ont tout bon, c’est que leur logo respectif sonne "authentique" et que la reconnaissance de leur identité est mondiale. De ce fait, modifier leur logo viendrait à casser l’attachement affectif que les gens entretiennent avec la marque. Oui, un bon logo, c’est avant tout une forme qui dure dans le temps. C’est aussi sortir du lot avec une esthétique distinctive.
À ce propos, nous assistons actuellement à un « revival » des logotypes conçus dans les années 70. Ceux-ci avaient temporairement disparus dans les années 2010, alors que le numérique transformait profondément l’économie et les habitudes des consommateurs. Ce phénomène s’est très récemment amplifié après une vague de « Blanding » (pour « branding aseptisé ») où beaucoup de marques semblaient perdre leur âme en troquant leur logotype historique audacieux pour un style typographique uniforme et « sans empattement ».
Nous avions évoqué cet air du "No Design" à propos de l'évolution des logos dans les marques de prêt à porter.
Même Calvin Klein, qui n'est pas un logo brillant par son originalité, a décidé en 2021 de changer son logo avec un retour aux sources. En effet, le nouveau logo de 2021 revisite celui de 1978, avec un lettrage qui modernise légèrement la typographie Avant Garde Gothic créée en 1970 par Herb Lubalin. Le précédent logo "full cap" datait de 2017 et avait été piloté par Peter Saville. Qu'en conclure ? Serait-ce dans les vieux pots que l'on fait les meilleurs logos, ou ce changement était-il tout simplement une volonté de changement... sans mobile ?
Et pourtant, pour revenir au logo Algeco®, celui-ci n’est pas particulièrement beau. Il est même plein de bizarreries et de déséquilibres si on l’étudie d’un point de vue typographique. Le “l” peine à s’élancer au dessus du “à”, tandis que la descendante du g est bien trop marquée en comparaison. Et le “e” est tout simplement un pac-man sous stéroïdes. Mais qui sait, c’est peut être dans ces choix discutables que réside sa touche de folie malgré une grille de composition stricte. Le logo Algeco® ose ce que peu de logo font aujourd'hui. Il est son propre style, différent, pas forcément à la mode, avec un goût discutable mais radical avec une façon de s’assumer complètement qui finit par gagner le respect. Pas besoin de benchmarks, ou de sondages d'opinions, le logo Algeco® est cool, swag, stylé.
Interchangeable et neutre, tel était le logo du début des années 2020. Il semble aujourd’hui que beaucoup de marques revoient leur copie et reviennent à des identités qui correspondent à un certain « âge d’or » associé aux années 70. Alors les logos s'étaient mieux avant ou simple nostalgie facilement "instagrammable" ? Nous pensons que ce retour de logos historiques est réconfortant car il renvoie à une période synonyme de prospérité pour une nouvelle génération anxieuse, qui peine à se projeter dans le futur avec le péril écologique et pandémique : rien de plus naturel !
Le style typographique modulaire fait un grand retour avec le logotype de la prochaine adaptation hollywoodienne du roman de SF de Frank Herbert «Dune» (écrit en 1965). Le logo utilise un module de base proche dans une version «light». On notera que le fameux logo «worm» de la NASA possède également une structure quasi modulaire qui lui confère un style expérimental et futuriste.
La marque Algeco® est utilisée à tort comme nom commun désignant une construction modulaire dans le vocabulaire populaire. Il n’est pas rare d’entendre dire un « Algeco » - à proscrire absolument car Algeco est une marque déposée - alors qu’il est question d’une marque concurrente.
Pérenniser le logotype Algeco®, c’est aussi valoriser l’histoire de l’entreprise et protéger l’intemporalité de l’enseigne. Reebok (nous en parlions dans cet article), Kodak, la Nasa (découvrez l'histoire de son logo) et plus récemment Burger King ont fait ressurgir une version « liftée » de leur logo version années 70. Cela démontre que le logo est un formidable patrimoine de marque, capable de traverser les époques si les produits et les services « suivent ». Cela démontre aussi qu’il y a un risque à vouloir aveuglément céder aux sirènes de la mode, surtout lorsqu’il existe déjà une forte notoriété et donc un lien affectif fort et un vécu entre un logo et son public. Le logo peut être un objet à la valeur inestimable qui mérite d’être traité avec le plus grand respect, faute de briser une relation.
À ce sujet, le dernier logotype de Peugeot dévoilé en ce début d'année 2021 et dont le dessin est une réinterprétation d'un ancien logo Peugeot de 1960, divise la critique. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous conseillons la lecture de notre article Nouveau logo Peugeot et rebranding auto, ça sent le fauve !
Du module de chantier au module spatial il n'y a qu'un pas ! Nous pensons biensûr à l'esthétique "space truckers" qui a été popularisée par le film Alien de 1979 et réalisé par Ridley Scott. Les designs industriels de ce film en majorité créés par Syd Mead et Ron Cobb, montre des engins spatiaux, pour ne pas dire "cargos", où prime avant tout le gain d'espace, la fonctionnalité et la solidité.
Si la marque Caterpillar est parvenue à évoluer en proposant des véhicules de chantier, puis des chaussures de protection en s’imposant désormais dans le champ de la mode, il est fort à parier que la marque Algeco® pourrait suivre une nouvelle trajectoire pour être une marque forte de référence qui s’impose à la fois pour une cible de professionnels et de particuliers. Cela, en s’écartant de son produit phare tout en conservant ses valeurs de marque dans un secteur connexe (Environnement, Workwear, transports, etc...).
En constatant la créativité qui ressort lorsque des étudiants réinventent le module Algeco à l’occasion des différentes éditions du concours architectures Élémentaires, il n'est pas à douter que l’innovation est dans l'ADN de la marque. Logement, santé, transport, environnement, nous ne sommes pas loin d’un pôle en recherche et développement !
En 2019, Algeco invitait François Bellanger, conseiller en prospective pour une conférence intitulée “ Et si la prochaine étape était qu’Algeco fasse des voitures autonomes?” Une prospection qui n’a rien de farfelue.
Définitivement, nos vies sont un chantier work in progress, et nos emplois du temps sont modulaires façon Algeco.
La popularité de la marque d'Algeco® est fortement ancrée sur ce que les gens ont l'habitude de nommer la "cabane de chantier", alors que ses services et ses produits sont bien loin de se limiter aux bases de vie de travaux BTP. La marque Caterpillar est un exemple intéressant de marque qui a su changer sa perception auprès du public en s'aventurant en dehors du périmètre des engins de travaux, pour capitaliser sur l'idée de robustesse et développer des accessoires et vêtements qui permettent aujourd'hui de jouir d'une forte notoriété grand public et d'être présent jusqu'aux défilés de mode. Les transports et la mobilité font parti de l'histoire d'Algeco. On peut donc naturellement imaginer un jour la sortir d'un module concept car Algeco... hybride ou 100% électrique ?
C’est le cas du logo Algeco®, définitivement iconique, reconnaissable au premier coup d’œil. C’est en plus un repère rassurant au quotidien. Son design impactant, futuriste et sans compromis convoque un imaginaire fort, totalement en phase avec les préoccupations de nos modes de vie toujours plus mobiles et connectés. Il se rapproche également des vêtements et codes graphiques d’une culture urbaine mondialisée, et l’on peut raisonnablement penser qu’il devienne une icône très « street credibility » pour la nouvelle génération.
En témoigne ce freestyle déjà classique sorti en 2012 avec 2 des plus influents collectifs de rap de leur époque, l'entourage et l'animalerie, lorsqu'à 3:40, Na.K ouvre son couplet avec : «j'ai pas le bras long, j'suis pas large d'épaule et ma zic ne me fait pas manger, mange avec oim dans l'Algeco».
Oui, le logotype Algeco® est bien plus qu’un objet graphique : c’est un condensé de poésie urbaine et un monument de notre patrimoine industriel.
Très intéressant en effet. Je reste néanmoins étonnée par la vidéo Youtube de fin d’article… Quel est le rapport ?
Super intéressant, comme d’habitude. C’est vraiment toujours un plaisir de lire vos analyses et décryptages. C’est pédagogique et éclairant. Merci et bravo !