C’est une couverture qui attire notre attention dans un kiosque de la Gare d’Austerlitz. Au milieu de centaines de magazines, pourquoi ce doigt pointé capte-t-il le regard ? “Oui, toi, là ! Toi qui vas prendre le train, c’est à toi que je m’adresse !” Un signe graphique que tout le monde connaît et que l’on pensait d’un autre âge, d’un autre siècle. Pourtant, encore aujourd’hui, cet index qui nous interpelle avec insistance ne laisse personne indifférent.
Cette main qui s’adresse au spectateur apparaît très tôt dans l'histoire des images, à la fois dans les manuscrits anciens, et dans la peinture occidentale.
C’est un des signes les plus répandus dans la peinture religieuse à une époque où peu savaient lire. Cette main avait pour fonction de guider et ainsi suivre la narration des tableaux.
Mais il faudra attendre la Révolution industrielle et la publicité pour que ce doigt soit dirigé directement vers le spectateur.
La référence incontournable, véritable matrice de la communication politique et commerciale, c’est une des affiches les plus célèbres du XXe siècle, celle d’Alfred Leete créé en 1914 et présentant le ministre de la guerre du roi George V, Lord Kitchener, s’adressant avec autorité à chaque citoyen anglais d’un “Your country needs YOU”.
A gauche : Une couverture du magazine "Les Cahiers Sciences et Vie" / A droite : “Your country needs YOU” - Alfred Leete - 1914
Au moyen âge, on trouvait couramment dans les livres et textes anciens, une manicule, un index qui pointait un passage important de la page. Comme l’enfant, découvrant la lecture, suit de son doigt la ligne de texte. Un repère qui figurait généralement dans la marge. À la fin du XVI siècle, les imprimeurs créèrent un équivalent typographique à cette main. Et ce n’est qu’au XIXe avec la Révolution industrielle et l’arrivée de la machine à écrire que ce petit signe disparu de la littérature imprimée.
La manicule resta populaire dans les publicités et panneaux directionnels au sein de l’espace public. Au XXe siècle, certains artistes Dada ou Surréalistes l’utiliseront dans leurs œuvres. Mais c’est dans la peinture de la Renaissance que la présence de ce signe va s’imposer.
On la retrouve à plusieurs reprises dans la fresque de la Chapelle Brancacci de l’église Santa Maria del Carmine à Florence, peinte par Masaccio en 1426-1427. “Le paiement du tribut”, est sans aucun doute une des plus belles réalisations de cet artiste visionnaire.
La peinture retrace un passage de l’évangile de Matthieu (17, 24-27) où Jésus négocie le paiement de l’impôt pour entrer dans la ville de Capharnaüm. Il conteste ce dû, mais estime qu’il ne faut pas manquer à la règle des pharisiens. Il invite donc Pierre à aller chercher l’argent dans la gueule d’un poisson au bord du lac, puis de le remettre aux autorités. Malgré le déroulement narratif en séquences, tout est présent sur une même peinture. Et pour que le spectateur s’y retrouve, Masaccio matérialise ces trois temps différents par trois index tendus. Trois index désignant à chaque fois un élément de l’histoire. Ici le lieu de la négociation, là le Christ demandant à Pierre d’aller pécher, et encore là, le paiement du tribut au percepteur.
C’est souvent ce que l’on découvre dans la peinture classique quand un personnage accompagne le spectateur et dirige son regard vers le ou les centres d’intérêt. Les gestes servent, dans le circuit de l'image, de signes-relais, “balisant” le parcours narratif. D’où l’importance d’une figure maintes fois présente, l’admoniteur. Celui qui “montre de la main”, qui regarde, apostrophe invite ainsi à participer au tableau. Dans les Annonciations du Quattrocento, ce vocabulaire gestuel trouvera son élaboration maximale. Un ange montre à Marie quelque chose, des mots, un lieu, des éléments végétaux, un symbole. Et pendant des siècles, les peintres vont indiquer par ce doigt tendu ce qu’il faut regarder. Avec une diversité et une polysémie de ce signe graphique.
Puis ce doigt pointé vers l’objet d’attention va interpeler directement le spectateur dans son voyage pictural “Toi, là qui regarde la peinture, c’est de toi qu’il s’agit ! C’est à toi que je m’adresse !” C’est peut-être Raphaël qui, le premier, va questionner gestuellement le public, sans pour autant que le regard de l’admoniteur suive le doigt. Dans la “Madone Sixtine”, Saint Sixte désigne les spectateurs à la Vierge en implorant sa pitié.
A gauche : La Vierge au rocher", Leonard de Vinci, 1483-1485 / A droite : Madone Sixtine”, Raphaël, 1512
Dans certains tableaux, le regard peint va suivre l’objet de l’indication, c’est à dire le spectateur face à la peinture et là, quelque chose se passe. D’observateur, celui qui est devant se retrouve embarqué dans un dialogue visuel. C’est toute la force du regard direct qui capte, accroche et interagit avec nous.
Doigt pointé et regard de face, c’est Murillo et son “Enfant riant” (1655) qui nous interpelle et l’on sent bien comment cela interagit sur nous. “Je ne suis plus spectateur distant, je suis directement en dialogue avec ce personnage qui semble s’adresser à moi.” Deux siècles plus tard, c’est Pere Borell Del Caso qui reprendra l’idée de Murillo. Le doigt accroche l’attention du spectateur en le désignant, “Toi, oui, toi !!!” Le doigt fige l’action et la temporalité, l’arrêt sur image colle au geste. C’est un appel, une injonction.
Autoportrait, Pontormo, 1522-1525
A gauche : “Deux fillettes riant”, Pere Borrell Del Caso, 1880 / A droite : “Enfant riant”, Murillo, 1655
Puis viendra le temps de la Révolution industrielle et de l’affiche publicitaire. Viendra le temps, au début du XXe siècle, où l’association du doigt pointé et du regard deviendra un motif graphique d’une rare puissance. Une invitation qui prend parfois des allures d’ordre, d’impératif…
Un des premiers exemples connus aux États-Unis, c’est une publicité pour les cigarettes BDV en 1910. Et l’on fait appel à l’imagination et la créativité graphique. En faussant les repères de la perspective, la boîte de cigarettes géante rend acceptable le grossissement exagéré de la main. Elle sert également de panneau de protection pour un spectateur qui, depuis une vingtaine d’années, pouvait se sentir malmené par une nouvelle façon de découvrir les images, notamment au cinéma (la frayeur des personnes devant l’écran où était projetée “L’Entrée en gare de La Ciotat” en 1896 !). Il pouvait encore réagir avec méfiance à une intrusion brutale de son espace personnel.
“Moxie man”, 1911
A gauche : Publicité pour les cigarettes BDV, 1910 - “Moxie man”, 1906 / A droite : Campagne publicitaire Perrier, 1999
"Have you used PEARS’ SOAP", 1915
Autre exemple, en 1911, avec Moxie, un concurrent direct de Coca Cola. Créé en 1885 par le Docteur Augustin Thompson, celui-ci mettait en avant l’aspect médical de la boisson et la présentait comme une « nourriture pour les nerfs ». En 1906, apparaît dans les publicités, le premier “Moxie man” sous les traits d’un livreur souriant. Seules la blouse blanche et la mention “Very healthful” (Très bon pour la santé) sur les caisses rappellait l’origine médicale du produit.
En 1907, le logo se transforme pour devenir plus dynamique, et deux ans plus tard, la mention “nerve food” (aliment pour les nerfs) sera supprimée de la communication. C’est donc au moment où la caution scientifique disparait explicitement que le livreur est remplacé par le Moxie Man (ou Moxie boy), un prescripteur qui se présente sous les traits d’un jeune homme au regard vif et aux cheveux impeccablement gominés. La blouse blanche, le faux col, la cravate siglée d’un M, sont autant de marques de sérieux qui l’autorise à nous interpeller du doigt et du regard insistant. Encore un détail, le pins sur le revers de la blouse, qui rajoute un effet Droste (l’effet “Vache qui rit”) discrètement hypnotique.
Dernier exemple, pour Pears’ soap en 1915. Pas d’index, mais très tôt, la publicité a compris qu’il ne fallait pas être trop suggestif dans le choix des mots mais bien frontal, il s’agit de donner un ordre à double fonction : attirer l’attention et susciter une action immédiate. Et logiquement, ce qui fonctionne bien pour vendre des cigarettes ou du savon sera repris avec plus de force quand il s’agira de mobiliser les citoyens au début de la Première Guerre mondiale. On parlera alors de propagande à grande échelle et de manipulation de l’opinion publique.
L’historien d’art Carlo Ginsburg, dans son livre “Peur révérence terreur - Quatre essais d’iconographie politique”, abordera précisément le sujet en s’arrêtant sur une affiche iconique, une des affiches les plus connues du XXe siècle “Your country needs you” d’Alfred Leete et qui date de 1914. On a souvent considéré que la force de cette affiche allait de soi sans chercher plus loin dans la déconstruction des éléments. L’historien va remonter le temps jusqu’à l’Antiquité.
Carlos Ginsburg va emprunter à Aby Warbug, (le grand historien de l’art qui définira les bases de l’iconologie au début du XXe siècle), la notion de Pathosformelm (“formules d’émotion”).
Pour simplifier (très) (car cette notion recouvre plusieurs disciplines), dans la peinture, la statuaire ou la photographie, certains gestes, certaines expressions seraient chargées de mémoire. Et pendant de nombreuses années, Aby Warbug chercha à les répertorier dans son L'Atlas Mnémosyne. Ginsburg convoque Pline l’Ancien et ses textes sur le regard, mais aussi un tableau de la Renaissance, magnifique, d’une force incroyable, la “Bénédiction du Christ” d’Antonello de Messine peint en 1475 (aujourd’hui visible à la National Gallery de Londres). Un portrait du Christ associant regard frontal et geste de la main en raccourci… et qui donne une formidable impression de proximité avec le spectateur.
Mais cette origine artistique n’explique pas tout, et Ginsburg questionne aussi, l’environnement visuel du début du XXe siècle et plus précisément le langage populaire de la publicité. La communication devenant plus agressive, voire menaçante.
“Your country needs you” d’Alfred Leete, 1914
Au début du conflit mondial, la Grande-Bretagne ne dispose que d’une armée de métier : environ 400 000 hommes, mais seulement 150 000 opérationnels en Europe, ce qui est 6 à 8 fois moins que les armées françaises et allemandes. À cette époque, seul contre tous, Lord Kitchener, le Secrétaire d’État aux Armées prédit que la guerre sera longue, il sait que cette armée ne suffira pas et qu’il faut mobiliser. Dès la fin du mois d’août 1914, il fait adopter une loi autorisant la levée de 500 000 hommes.
La propagande de masse va alors avoir un rôle déterminant. Et cela va se faire en plusieurs étapes. Dans un premier temps on réalisera des affiches typographiques appelant chaque citoyen à s’engager. Des affiches plus graphiques que ce que l’on trouve en France, par exemple, dans les ordres de mobilisation générale. Puis viendront la casquette et les mots de Lord Kitchener écrits de sa main. Mais tout le monde l’on sent bien que ce n’est pas suffisant, pas assez direct et incisif. Ce qu’il manque, ce sont le nom et le visage de Lord Kitchener pour entraîner les foules.
C’est avec le renforcement de l’appel à la mobilisation en septembre 1914, que l’affiche présentant le visage du militaire fut placardée sur les murs. En quelques semaines, le mouvement engendré ressembla à une vague. Ce sont 35 000 volontaires par jour qui vont s’engager en réponse à cette affiche. Au final, près de 2 millions et demi de jeunes hommes vont rejoindre l’armée britannique. L’affiche est un appel personnel, un appel à l'attention de chaque Britannique, un appel impératif, un ordre, comme si la survie du pays dépendait de la réponse de chaque citoyen.
La construction est méthodique et deviendra un modèle du genre. — Un regard frontal, fixe et menaçant, terrifiant, intimidant même. Certains ont noté une très légère divergence dans les yeux de Kitchener provoquant un trouble, un côté hypnotique. Là encore revient l’histoire du regard qui nous suit, quel que soit notre mouvement. Qui nous happe et nous retient. — L’impératif de l’injonction, le YOU en très gros, imposant. C’est un ordre auquel il faut obéir, “Ton pays a besoin de TOI !” et la voix invisible que l’on devine, grave et puissante du militaire… !!!. — Enfin, le doigt qui pointe l’observateur comme s’il s’agissait d’une arme.
Tout est agressif dans cette image, le spectateur ne doit pas s’échapper, il faut le retenir et l’agripper. Une caricature du “London Opinion” de l’époque traduit parfaitement l’emprise réelle de l’affiche. Un bras déchire l’affiche et vient physiquement chercher un citoyen.
A gauche : Affiche de l’exposition "Qu’est-ce qu’une campagne publicitaire ?", Grapus, 1975 / A droite : "Are you doing all you can", auteur inconnu, 1942-1943
Et c’est d’ailleurs ce que Grapus, le collectif de graphistes français des années 1970/1980 reprendra pour l’affiche d’une exposition controversée au Centre Pompidou “Qu’est-ce qu’une campagne publicitaire ?” Un doigt qui semble perforer violemment le plan de l’affiche pour venir quasiment chercher le spectateur dans la rue et le menacer. On peut en trouver l’origine dans une affiche américaine diffusée durant la Seconde Guerre mondiale. Comme le précise Ginsburg, certaines publicités utilisaient déjà ce registre de l’agression visuelle. “Halte, vous n’avez pas le droit d’aller plus loin sans avoir lu que la machine à écrire Polygraphe est un produit allemand de première classe.” Qui date de… 1908 !!!
En septembre 1915, le Comité de recrutement parlementaire (PRC) publiera une affiche figurant John Bull (symbolisant l’Angleterre comme l’Oncle Sam symbolise les États-Unis) et son gilet aux couleurs du drapeau de l’Union. Il s’agit ici de personnifier les valeurs britanniques. John Bull en pieds, pointe, lui aussi directement, le spectateur et lui demande “EST-CE VOUS” qui est absent ? La référence à Lord Kitchener est clairement mise en avant. En quelques mois, tous les pays en guerre, ou presque, vont avoir recours à cette construction regard/injonction/doigt pointé. Ce qui montre bien l’efficacité des codes graphiques utilisés dans l’affiche d’origine.
"Qui est absent ? Est-ce vous ?", 1915
Aux États-Unis, la Première Guerre mondiale va être l’occasion de développer la propagande de masse. Tous les secteurs visuels seront mobilisés en concentrant nombre de signes graphiques et de symboles, et ce, aussi bien dans la presse, la photographie, le cinéma ou les dessins animés. La raison est politique et liée à l’immigration importante du début du XXe siècle. Il faut fédérer des individus d’origine et de culture diverses autour de quelques symboles forts. Ce sera l'hymne national, les couleurs du drapeau, la figure de l’Oncle Sam. On a dans cette période de la Première Guerre mondiale et des années 1920 une cristallisation des symboles du patriotisme américain. Il faut donner une forme à ce patriotisme et encore aujourd’hui, ces symboles demeurent très, très partagés. (C’est toute la différence avec l’idée du patriotisme en France).
Couverture de la monographie du graphiste affichiste Michal Batory, Serge Malik Publishing, 2004
L’affiche américaine de mobilisation générale est publiée en 1917 et réfère sans ambiguïté à l’affiche de Leete. C’est l’oncle Sam qui appelle à s’engager dans l’armée des États-Unis…
La première version de l’affiche voit le jour à la une d’un magazine. C’est en juillet 1916 que l’on demande à James Montgomery Flagg, un illustrateur reconnu, de réaliser la couverture du “Leslie’s Illustrated Weekly Newspaper” qui consacre un dossier à la préparation militaire. Devant le succès populaire de cette illustration, l’affiche va s’imposer un an plus tard quand les États-Unis entreront en guerre.
A gauche : “Toi ! As-tu signé avec les volontaires ?” affiche de D. Moor, 1920 / A droite : “I Want You for U.S. Army”, James Montgomery Flagg, 1917
Dans un cadre tricolore, l’affiche reprend les codes graphiques de son modèle anglais. Mais contrairement à Alfred Leete, James Montgomery Flagg va préférer l’Oncle Sam (qui personnifie les États-Unis depuis 1812) à un responsable militaire ou à une figure connue. Il choisira de se portraiturer lui-même. On retrouve les attributs traditionnels de l’allégorie de l’Amérique : la jaquette bleue, le gilet blanc, le nœud papillon rouge et l’inévitable haut-de-forme avec les étoiles blanches sur fond bleu symbolisant les États fédérés.
La répétition de l’image et la saturation de l’espace public (l’affiche va être diffusée à plus de 4 millions d’exemplaires), les meetings et le porte-à-porte vont ancrer durablement cette affiche sur une génération déjà habituée aux impératifs de la communication publicitaire.
En 1935, dans son célèbre essai “L’Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique” Walter Benjamin abordera cette question de la multiplicité et de la propagande de masse.
L’affiche va, au cours des années à venir, être mainte fois reprise, adaptée, détournée, caricaturée pour toutes les causes et tous les produits. Avec toujours les mêmes effets… capter l’attention, arrêter le temps par des signes graphiques puissants.
"Toi aussi tu dois t’engager dans la Reichswehr" affiche de J. U. Engelhard, 1919
Affiche campagne Référendum sur l'élection présidentielle, 28 octobre 1962
Et toujours cette répétition du slogan dans la ville, JE TE VEUX, JE TEVEUX, JE TE VEUX. À l’image du Big Brother dans “1984”, BIG BROTHER IS WATCHING YOU…
Au tout début du célèbre roman de George Orwell, on découvre la description d’une affiche placardée dans la ville. « — Une affiche en couleur, trop grande pour être exposée dans une maison… accrochée au mur. Elle représentait simplement un énorme visage, large de plus d’un mètre : le visage d’un homme qui devait avoir plus ou moins trente-cinq ans, avec une grosse moustache et des traits vigoureux et beaux… C’était une de ces images si puissantes que ses yeux semblent suivre le spectateur pendant qu’il se déplace. BIG BROTHER IS WATCHING YOU, telle était la légende qu’on pouvait lire sous le visage. »
A gauche : 1984 - Scène du film de Michael Anderson en 1956 / A droite : Time, Roy Lichtenstein, 1968
A gauche : Couverture du magazine Society, mars 2016 / A droite : Couverture du magazine Marianne, 2024,
George Orwell avait 11 ans quand les affiches de Lord Kitcher furent placardées dans toute l’Angleterre, c’était un enfant. Comment imaginer qu’il n’y ai pas de lien, que la force de ces affiches n’ait pas influencé la vision de l’auteur et l’écriture de son roman 1984. Une image enfouie dans la mémoire est remontée à la surface des années plus tard. Un souvenir d’enfance a ressurgi.
En 1968, le Pop artiste américain, Roy Lichtenstein nous révèlera peut-être ce que cache l’index tendu… une arme qui nous vise, et parfois tire ! Le magazine “ Time” utilisera cette peinture en couverture d’un dossier sur les armes aux États-Unis “The gun in America”.
Image issue du film "Blade Runner 2049" de Denis Villeneuve, 2017
Aujourd’hui, le doigt pointé se fait plus rare dans notre quotidien. Mais l’agressivité et l’injonction sont toujours utilisées par les communicants. La finalité n’a pas changé… il s’agit de fixer l’attention du spectateur et le garder le plus longtemps possible. C’est la logique des réseaux sociaux qui diffusent des technologies addictives de captation.
L’index pointé a laissé la place à un autre doigt, le pouce, le like qui sous une forme, peut-être plus inconsciente, m’agrippe. Ce que je vois le plus, ce qui est le plus visible, c’est ce qui a été le plus vu, le plus liker. Ce sont des milliers des millions de pouces qu’il y a derrière ce post et qui retiennent mon attention.
Les affiches sont moins présentes dans l’espace public, remplacées petit à petit par des écrans lumineux interactifs. Une référence cinématographique nous en donne une vision d’avenir. C’est “Blade Runner 2049” de Denis Villeneuve. Une scène en particulier est troublante. L'agent K (Ryan Gosling) marche dans la rue et est littéralement happé par un hologramme publicitaire (Ana De Armas). Une femme virtuelle le pointe du doigt (!!!) et sort de l’écran.
Mais une mutation va s’opérer sans que nous n’y fassions attention. En 2007, c’est avec l’écran tactile de l’iPhone d’Apple que l’index va réapparaître sous une autre forme. Plus besoin d’injonction extérieure, par un effet miroir troublant, c’est maintenant notre propre doigt qui fait défiler le fil de notre actualité.
Et si nous étions rentrés dans l’image au risque de nous y perdre ? Vaste question qui reste ouverte…
Laisser un commentaire